Ma mère nous a quittés le 9 mai 2017. Certes, elle eut une belle vie, certes elle était âgée de 97 ans, mais je voudrais lui rendre un dernier hommage, ici, avant que les affres du temps ne l'oublient à tout jamais.
Toujours à l'écoute (comme beaucoup de mères juives originaires "de là-bas"), toujours dévouée, elle alliait une humilité par trop extrême à une grande et belle compétence dans beaucoup de domaines.
Autodidacte elle pouvait traduire des versions latines (bien sûr en s'aidant du Gaffiot).
Son aide permit à mon fils (son petit fils) d'avoir 19 en latin, au bac. Elle était capable de réciter, il y a encore quelques semaines, par cœur, aussi bien les fables de La Fontaine que des tirades du CID de Corneille.
Comme pour toutes les mères juives, sa tchoutchouka ou ses bestels étaient les meilleurs du monde. Elle savait faire aussi à la perfection le filet en brioche ou le Koulibiac de saumon aux épinards.
Ma mère est née en 1919 à Castiglione, petit village, situé à 45 kilomètres d'Alger, non loin de la ville romaine de Tipaza. Au début du 20ème siècle, la famille MOATTI, celle de ma mère, était la seule famille juive de Castiglione.
Pourquoi Castiglione! Je vais vous livrer un secret de famille.Au moment de l'affaire Dreyfus, le 13 janvier 1898, le journal L'Aurore publie la lettre d'Emile Zola "J'accuse". Cette lettre provoque en Algérie de grandes manifestations antisémites menées par Max Régis, le maire d'Alger.
Le 22 janvier 1898, mon grand père Jacob et son frère jumeau Abraham se trouvent dans la casbah. Il y a alors une grande juivade, le slogan qui revient sans cesse : "A bas les juifs! Abrogeons le décret! Dreyfus traître!"
Mon grand père et son frère jumeau sont attaqués, ils se défendent. Il y a plusieurs victimes. Ils s'en sortent indemnes. Mais ils ont peur des représailles et ils s'enfuient jusqu'à Castiglione où ils vont désormais s'établir.
Voilà, merci maman, de là où tu es, avec ton mari, je sais que vous allez continuer à nous protéger
Commentaires
"L'ancienne vivante, allongée maintenant en grande oisiveté, pour toujours immobile. Nous sommes bien seuls tous les deux, toi dans ta terre, moi dans ma chambre, un peu mort parmi les vivants et toi un peu vivante parmi les morts."
Quand la Lumière jaillit du cimetière où nos ancêtres s'entêtent à mourir, traçant dans son sillage les ruelles de notre enfance, quand elle se lève comme un matin embrasé du ciel turbulent, , saches que la main explore les ténèbres et qu'elle peut tout dire. Ta passion des origines, Didier, est un Arbre qui te suit dans tes voyages et dans tes errances, tu le secoues et des rêves mûrs tombent dans ton sommeil comme les fruits de l'enfance.
Je ne l'ai pas connue, ni ses bestels ni son filet en brioche, mais quelle ressemblance avec la mienne ! Courage Didier, elle entendra ton Opéra depuis sa retraite montmartroise.
Amitiés. Hubert.
J'ai un souvenir plus qu 'ému de ta maman ....je me souviens , j'étais à Paris , pris d'une crise de colique néphrétique , mes parents absents....et les tiens pour me recueillir chez vous Av Mozart.
Merci encore à toute la famille
Je ne peux pas rester indifférente à un tel message sensible...
Vous souvenez-vous toujours votre mère vous a donné l'amour...
Je vous embrasse depuis l'Espagne!
Isabel Luñansky
Je pense qu'on porte le souvenir de ses parents jusqu'à son dernier souffle ..
Amitiés
Guy
Amitiés, Henri
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