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Par Simon DARMON

Vers onze heures, au jour du grand marché, les rues étaient encombrées de calèches pimpantes attelées de chevaux fringants ornés de pompons et de clochettes.

Les gens riches faisaient charger par leurs serviteurs des paniers de provisions et des colis contenant cent objets divers pour la joie des femmes et des enfants.

A l'ombre d'une arcade, quelques vieillards, enveloppés dans leur burnous, étaient assis par terre, en tailleur, contemplant les allées et venues.

- L'un d'eux dit : "Selon l’argent qu’on possède, chaque chose a deux poids et deux mesures".

- Un autre fit écho : "La vie du pauvre est plus furtive et plus malheureuse que celle du rat dans la maison d'un marchand de grains".

- Le plus âgé déclara sentencieusement : "Le propriétaire arrogant agite le monde en éclaboussant ses semblables de sa richesse. Le pauvre passe près de sa demeure en rasant les murs, baissant la tête à la recherche de quelques misères récupérables dans les ordures qu'on a jetées. 

Pourtant, le choléra a emporté les deux le même jour. 

- Si tu vas au cimetière, tu ne verras que deux renflements de terre.

- Bien que l'un soit surmonté d'une stèle sculptée en marbre, et l'autre à peine indiquée par deux informes pierres dressées, leurs domaines ont désormais longueur et largeur égales".