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"Ce monde dit arabe"

 

par Pierre Aïach

Article paru dans www.desinfo.com

Pierre Aïach, sociologue, directeur de recherche honoraire Inserm. Membre de la commission culture au centre Medem, Arbeter ring et de l’Association Acal (Action culturelle amazigh laïque).

 Quel est ce « monde arabe » dont il est sans arrêt question dans les journaux, les radios et les télévisions, sans parler des livres qui traitent des révolutions arabes récentes ? En fait, tous les pays à dominante musulmane y passent y compris parfois, la Turquie et l’Iran !

Qu’il soit question de la Tunisie, du Maroc, de l’Algérie et de la Lybie, le qualificatif de pays du Maghreb, quelque fois prononcé ou écrit, fait suite à celui de pays arabe ; quant à celui de pays d’Afrique du nord, il est quasiment absent. Tout se passe comme si ceux qui en parlent et qui écrivent ignoraient l’histoire et l’identité des populations de ces pays. Ce qui est encore plus troublant, c’est que, souvent, même ceux qui ont cette connaissance utilisent le terme de pays arabe ou celui de monde arabe sans accorder d’importance à cette appellation. Le fait d’avoir une composante linguistique à dominante arabe semble entrainer inéluctablement une appartenance au monde arabe. Le fait d’avoir l’islam comme religion d’état renforce cette qualification.

Voulant en savoir un peu plus sur l’histoire du Maghreb et du Moyen Orient, je me suis penché sur quelques sources accessibles à tous et j’y ai trouvé tout autre chose concernant l’origine des populations qui y habitent.

Concernant le Maghreb, il est parfois question des minorités berbères cantonnées dans un espace géographique réduit (comme pour la Kabylie en Algérie) avec des estimations portant sur l’usage de la langue amazigh (berbère) allant de 20 à 30% selon les cas (davantage au Maroc et moins en Tunisie. En fait, le critère de la langue devient celui de l’appartenance à un peuple, à une origine ethnique. Pourtant tous les ouvrages sérieux sur l’histoire du Maghreb (à commencer par celui d’Ibn Khaldoun) indiquent une origine essentiellement berbère avec des apports multiples en fonction des nombreuses invasions qui se sont succédées sur son territoire, dont celle des Arabes venus en petit nombre au VIIe siècle.

 Selon Wikipedia par exemple, la Lybie tire son nom d’une tribu berbère nommée Libou et  est peuplée originellement de berbères : elle serait aujourd’hui composée principalement de Berbères, de Berbères arabisés (langue parlée sans doute), de Turcs et d’Arabes. Et pourtant qui parle de la Lybie comme d’un pays berbère ou tout simplement du Maghreb ?

Selon la même source, la population égyptienne serait composée à 4% d’Arabes et à 95% de descendants de Coptes ! Et pourtant, tout le monde parle de l’Egypte comme étant le pays arabe le plus peuplé et  le plus important du monde arabe. Les coptes deviennent les chrétiens d’Egypte (un présentateur de télévision française (c’est dans l’air 9/7/13) assimilant Coptes et Chrétiens, sans que personne autour d’une table composée de spécialistes ne relève cette erreur), l’appartenance à une religion devenant le critère d’appartenance à une origine historique fondée sur le fait d’avoir fait partie d’un peuple ou d’une ethnie.

Quant à la Syrie, autre pays arabe s’il en est, elle aurait été peuplée à l’origine par les Amonites (leur langue Elba) puis occupée par le Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes et partiellement par les Croisés, les Turcs ottomans, les Français..

Pourquoi parler encore d’un pays arabe sinon parce que c’est la langue arabe, celle du Coran, qui s’est imposée et surtout a été imposée.  Cela au détriment des autres langues, comme avec le berbère en Algérie, où la reconnaissance de la langue Amazigh est très récente.

Ce n’est sans doute pas une raison généalogique qui ferait qu’est arabe celui qui situe ses ancêtres dans l’une des tribus d’Arabie (définition à l’époque médiévale, qui est celle d’Ibn Khaldoun). Dans ce cas, il est évident que les Arabes constitueraient une infime minorité dans la plupart des pays dits arabes, à partir d’un peuplement originel d’ethnies arabisées de l’Arabie de souche sémite.

Est-ce alors la nationalité, selon un critère institutionnel formel comme celui d’appartenir à la ligue arabe ? Dans ce cas, est arabe tout citoyen appartenant à un des 22 pays qui composent la ligue arabe. Il faudrait alors se pencher sur les conditions d’admission à cette ligue, dont l’un des principaux est sans doute que l’arabe constitue la langue nationale du pays candidat.

Pourquoi alors ne pas parler de pays arabophones et de monde arabophone ou de pays de langue arabe même si d’autres langues minoritaires existent ? Un peu comme dans la situation des pays qui constituent la francophonie alors que le français, dans la plupart des cas, n’est pas langue nationale.

Mais la langue ne semble pas suffire car on observe que les utilisateurs du vocable « monde arabe » ont du mal quand il s’agit de parler aussi de la Turquie ou de l’Iran. C’est là où le terme de musulman vient le plus souvent s’ajouter à l’appellation « monde arabe » : il est question alors de monde arabo-musulman. Et on a affaire alors à une entité qui devient plus réelle car elle repose sur la religion, l’islam, proclamée religion d’état, ce qui permet d’englober tous les pays où l’islam est religion d’état comme dans certains pays d’Afrique noire. Cette dimension religieuse, à l’heure où le nationalisme arabe semble avoir pratiquement disparu, est devenue la pierre angulaire, le ciment, la référence pour les mouvements et régimes qui aspirent à imposer l’islam dans tous les aspects de la vie en société en arrivant au pouvoir.

Le nationalisme arabe même déclinant a toutefois son utilité dans la mesure où la défense des arabes palestiniens contre Israël sert à calmer les velléités d’insurrection locale et à mater les mouvements se réclamant d’une autre identité (comme en Kabylie par ex). Il est possible aussi que ce nationalisme arabe ait reposé, et continue à l’être dans une certaine mesure, sur la croyance (déni)  en une origine arabe mythique.  Mais cette croyance/déni semble s’effacer de plus en plus au fur et à mesure que  le rejet du pouvoir en place s’accompagne de celui de la religion instrumentalisée par le pouvoir politique (Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte..)

Concernant l’ampleur du problème et les chances pour les peuples « dits arabes » de retrouver un jour leur identité, je ne peux m’empêcher de citer le grand écrivain algérien Boualem Sansal* qui déclare lors d’une conférence en Allemagne, en janvier 2012, à l’occasion du nouvel an berbère (yennayer 2962) sur l’autonomie de la Kabylie :

« C’est symbolique, c’est quelque chose de très important. La Kabylie est le cœur de l’Algérie. Sans la Kabylie, l’Algérie n’existe pas et tout le Maghreb aussi. Le Maghreb reste encore à ce jour une sorte de colonie. Après avoir été  colonisé pendant des siècles par les Romains, les Byzantins, les Vandales, les Arabes, les Turcs, les Espagnols, les Français, aujourd’hui  il est colonisé par..et c’est là tout le problème car on ne sait pas trop par qui. L’Algérie est colonisée par des Algériens qui se sont donné une identité qui n’est pas la leur. Donc la libération de l’Algérie aujourd’hui se heurte à une un équation extraordinaire.

Ce qui est étrange, c’est que ce monde dit « monde arabe » n’est pas aujourd’hui colonisé par des individus, mais par un mythe. C’est qu’il n’existe pas de peuple arabe. Il existe  un peuple marocain, tunisien, algérien, irakien, libanais, yéménite, etc. Les seuls Arabes réels, ce sont les habitants de l’Arabie. Et donc nous sommes gouvernés par un mythe. Et pourquoi avons nous donc accepté, pendant des siècles, d’être gouvernés par un mythe ? C’est à cause de la religion. C’est que l’islam est né en Arabie et, de là, il est parti se répandre dans le monde. Là où l’islam est arrivé à s’installer,  eh bien, il a aussi imposé l’identité arabe.

Maintenant, que ce qu’on appelle le « monde arabe » est engagé dans une révolution, il y a un combat très curieux et très difficile à mener. Le premier combat  est évidemment de chasser le dictateur, ça c’est une chose évidente et je dirais relativement simple. Les dictateurs, comme je le disais dans mon discours, tombent comme des mouches. Le deuxième combat est beaucoup plus difficile. Il faut retrouver son identité. Et ça, c’est un combat très complexe qui va se heurter à une forteresse extrêmement puissante qui est la religion. C’est dire que ces peuples là ne pourront retrouver leur véritable identité que dans un cadre démocratique et laïque. Tant qu’ils seront sous l’emprise de la religion, ils continueront à se penser comme Arabes avant d’être eux-mêmes , Kabyles, Touaregs, etc . »

 

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*Boualem Sansal est l’auteur d’un magnifique essai, malheureusement jamais cité, sur l’histoire du Maghreb : « Petit éloge de la mémoire. Quatre mille et une année de nostalgie », Gallimard,2007.

 

Commentaires 

 

1. Mylène Dim 11 Août 2013

Bonjour, 
Si je n'avais pas lu votre texte, je serai malheureuse à tout jamais ! voilà des années que je me bats contre les généralités, les amalgames et les assimilations. Bien entendu qu'il y a problème de "géographie" du à une espèce d'hégémonie "arabo musulmane", qui ne tient absolument pas compte des disparités entre les pays arabophones, et berbérophones d'ailleurs. Dans certains pays, ils sont allés jusqu'à inventer des nationalités sunnites et chiites, effaçant ainsi toute traces de la mémoire de chaque pays du Maghreb... La Kahena a été d'ailleurs mythifiée, reléguant ainsi son histoire à une espèce de conte comme si elle n'avait jamais existé... !! mais là ou je suis sincèrement dépitée, c'est cette déformation journalistique qui perpétue ces clichés ! Merci en tous cas pour cette belle page d'histoire et quand à moi même, je suis fille de la Kabylie et le resterais par respect pour la mémoire de mes défunts parents ... Merci encore ...

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