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Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

Témoignage de Léon Bel Un regard d’enfant sur Torch

Par Léon BEL Texte à paraitre en Décembre 2012 dans

 http://www.livresdeguerre.net/forum/sujet.php?sujet=1524

 

Ces lignes ne sont que l’expression du regard d’un enfant sur les événements de novembre 42, sans préjudice de considérations politiques, et de souvenirs que j’ai pu préciser grâce aux témoignages de proches et d’amis au fil de 70 années.

Les prémices

Ces 8 mois de guerre, de septembre 39 à juin 40 , avaient été suivis , avec inquiétude , par la population , où chaque famille comptait un ou plusieurs de ses membres sous les drapeaux , et l’on doit dire que l’annonce de l’armistice , et surtout l ‘arrêt des combats , fut accueilli avec soulagement , d’autant que la France avait maintenant à sa tête une figure historique , unanimement respectée : le Maréchal Pétain

La vie reprenait son cours, et j’ai le souvenir d’un été 40, radieux et de vacances mémorables, en famille, au bord d’une petite plage (Douaouda) de ce magnifique littoral algérois

En octobre "j’intègre" la communale en CP, et la propagande de Vichy commence à se faire lancinante : salut au drapeau, portraits du maréchal omniprésents, retransmissions de discours et matraquage des slogans de la Révolution nationale

Je dois avouer et, rétrospectivement, à ma grande honte, que cette propagande avait fait de moi un ardent admirateur du Maréchal et que pour prix de la plus belle lettre à icelui, lettre naïve et d’une rare flagornerie, je recevais de notre ‘’ grand père ‘’, une lettre de remerciements et un magnifique album à colorier, à sa gloire bien sûr ! (Photo)

L’atmosphère générale était à l’unisson, elle n’avait jamais été aussi patriote que dans ces moments, avec défilés militaires aux accents martiaux de la Marche Lorraine et de Sambre et Meuse !

Le régime de Vichy avait trouvé en Algérie un terrain favorable et une grande majorité de la population européenne était ardemment pétainiste , la Légion Française des Combattants ,y recrutait avec succès , et ses membres étaient fiers d’arborer leur insigne ( dite la sépia ou le fer à repasser ), ( photo ) quant à la population musulmane, que Vichy s’efforçait de flatter ,si elle était quelque peu travaillée par un courant nationaliste , elle restait dans l’ensemble passive et attentiste pendant toute cette période.

Dés la fin des hostilités l’Algérie était devenue une terre d’accueil pour des refugiés, majoritairement du nord de la France et d’Alsace Lorraine et une base de repli pour les militaires, surtout du Levant, après mai 41

Dans la vie courante, on commençait à sentir les effets des restrictions dans tous les domaines, les denrées de première nécessité commençaient à être rationnées, mais le marché parallèle, les productions locales l’ingéniosité et la débrouillardise aidant, on ne mourrait pas de faim.

Somme toute, et si l’on peut faire une comparaison, jusqu’en novembre 42, la vie et la situation en Algérie était à peu prés celle de la zone libre, en France ……avec la proximité des Allemands, en moins !

Sur le plan personnel, dés octobre 40, avec l’abolition du décret Crémieux notre communauté, déchue de la nationalité française, avait été rejetée dans un indigénat de 2è zone et les mesures antisémites de tout ordre ne faisaient qu’attiser notre crainte du lendemain

En décembre 41, votre serviteur et ses jeunes coreligionnaires se voyaient exclus de l’école primaire, par la grâce de Weygand, pétainiste à tout crin, et au delà même des mesures de Vichy

Au fil des mois, la situation devenait plus critique pour tous les supposés adversaires du régime de Vichy, étrangers antifascistes , communistes , franc maçons , sympathisants de l’ancien Front Populaire, et bien sur les juifs Dans la communauté de nombreuses rumeurs faisaient état d’une de regroupement dans camps de concentration du sud algérien

Fait révélé plus tard , le gouverneur Chatel , vraisemblablement sur ordre de Vichy , avait passé commande, en septembre 42 , ( aux Etablissements Altairac ) de milliers de brassards estampillés Juif , ils ne serviront, heureusement, pas, le débarquement allié était proche.

Le 8 novembre 1942 à Blida

La veille au soir, un samedi, mon père de retour de chez un ami, avec qui il écoutait, comme presque tous les jours, la BBC, confiait à ma mère sa perplexité à l’écoute d’un message personnel, plusieurs fois répété :  "Allo, Robert, Franklin arrive".

Le dimanche, dés 7 heures du matin, des bruits de combats aériens réveillent la ville et, une de nos voisine, pétainiste notoire, interpelle ma mère "Pourvu que ce soit les Allemands".

Dans la journée, mon père va aux nouvelles, avant de nous transporter chez des amis, à la campagne, ( ces amis, fervents chrétiens et non moins fervents pétainistes, nous assurerons, tout au long de cette période de leur soutien). Entretemps, les S.O.L du coin s'en prennent aux juifs qu'ils rencontrent et s'évertuent à ameuter les arabes, peine perdue, les arabes ne broncheront pas et diront, par la voix du notable Bencherchalli, à leur chef : "le sale boulot , chargez vous en , nous sommes en dehors de tout ça !"

Débarqués à une trentaine de kms, à Castiglione, des éléments de la 11è brigade d’infanterie britannique, se rendront maitres, dans la matinée, de l’importante base aérienne de Blida Joinville

Monsabert, commandant d'armes à Blida, importante ville de garnison fut un des rares officiers de l'armée d’Afrique à prendre part au complot, (Un tract circulera dans la journée à Blida, que mon père conservera longtemps :" Le General de Monsabert nous a odieusement trompé, Tous contre les agresseurs, aux ordres du Maréchal ")

Il avait essayé, en vain, de convaincre le colonel Montrelay, qui le menacera de mort de le rallier. , ce même Montrelay avait fait décoller 7 appareils pour s'opposer à l'aviation anglaise (en fait un groupe de chasse néo zélandais) ils seront tous abattus

Vers 18 h les anglais ont la situation en main, leur commandant a menacé le maire, Ricci, qui faisait mine avec ses adjoints de résister: " Nous seulement, un avion et trois tanks et vous, fini "

En fin de soirée, la ville pouvait s’endormir tranquille

Le 9 novembre, Anglais et américains, superbement équipés, défilaient triomphalement, le long du Boulevard des Orangers

Aperçu de la situation politique de novembre 42 à juin 43

Si l’opération Torch fut un succès à Alger , centre décisionnel militaire , ce fut grâce à l’action d’un groupe de jeunes résistants , juif aux ¾ , le groupe Aboulker , qui après avoir neutralisé les principaux chefs militaires et civils , tiendront la ville jusqu’a l’arrivée des Alliés , ceux ci contraindront Juin et Darlan à signer un cessez le feu général …………qui mettra 3 jours à être appliqué à Oran et au Maroc , théâtres d’affrontements sanglants , du fait d’un prétendu manqué de communication , mais surtout de l’échec des résistants locaux qui avaient commis l’imprudence de se confier et de vouloir rallier des chefs militaires qui , avec le concours de l’ armée d’ Afrique , fervents pétainistes , s’opposeront avec hargne et vigueur aux allies

Vaincus et toute honte bue, ils retourneront leur veste et rejoindront le camp des vainqueurs

Le cessez le feu signé , les Alliés , pragmatiques , avaient jugé opportun de s’entendre avec Darlan , seul détenteur de l’autorité , qui avait le pouvoir de se faire obéir de ses subordonnés , de rallier l’armée d’ Afrique et d’assurer la sécurité des troupes débarquées

Giraud, pressenti au départ, sera vite évincé, ne conservera qu’un rôle purement militaire

Darlan , qui déclarait agir ‘’au nom du maréchal empêché “ , perpétuera le régime vichyste , en conservant le même personnel et les mêmes mesures d’exception et de discrimination de Vichy , il rejetait , comme Juin , quand il ne les pourchassait pas , tous ceux qui avaient assuré le succès de Torch , résistants et militaires

Quant à Juin , commandant, qui avait, lui aussi opportunément rejoint le camp allié, il rappellera à ses subordonnés le devoir d’obéissance au maréchal il ira jusqu’ a mettre à l’écart et à fustiger les officiers qui avaient assure le succès de l’opération , Mast , Monsabert , Jousse , Barril.

Darlan, abattu le 24 décembre, Giraud lui succédera en pratiquant la même politique d’exclusion et de fidélité aux idéaux de Vichy, il restera au pouvoir durant 5 mois, et sera évincé, au profit de De Gaulle par tous les éléments qui souhaitaient le retour à la légalité républicaine

La croix de Lorraine avait définitivement rejeté la francisque et les portraits du maréchal, les bureaux de propagande allies diffusaient la bonne parole tous les exclus de Vichy pouvaient maintenant s’exprimer, nous faisions partie de la “ France Combattante “

La suite des événements.

Les Anglos américains, de toutes armes avaient établi leurs quartiers dans ma bonne ville, assez confortablement et sans problème , réquisitionnant des bâtiments officiels , sans pour cela empiéter sur la propriété privée ni imposer aux civils les restrictions habituelles d’une armée d’occupation.

Nous découvrions des gaillards aux uniformes seyants qui circulaient dans des véhicules qui faisaient notre étonnement, Dodge, Jeep, Gmc, surtout quand ils nous prenaient à bord, nous les gamins, et qu’ils nous gratifiaient de friandises diverses dont ils avaient les poches remplies –fait insolite pour des militaires – friandises dont je garde encore le souvenir sinon la saveur : chewing gum Wrigley à tous les parfums, bonbons Life Savers et Neco, chocolat Hearshey et j’en oublie !

L’Algérie, base arrière et éloignée des théâtres d’opérations, s’installait dans une occupation débonnaire et bon enfant, où tout le monde (ou presque) trouvait son compte :

Pour la population, une atmosphère libérée du carcan vichyste, mieux pourvue, et l ‘espoir, au fil des événements de la victoire finale

Pour les allies , américains , britanniques et du Commonwealth , ils en profitaient pour découvrir , avant l’épreuve des combats ultérieurs , un pays de cocagne , au climat agréable aux jolies filles et au vin généreux ,et , souvent , leur comportement , plutôt celui de permissionnaires en goguette que de militaires astreints à une discipline stricte, discipline que s’efforçait de maintenir des MP baraqués qui usaient, sans ménagement, de leurs longues matraques, pour ramener à la raison des GI’s, plus qu’éméchés ou qui trainaient braillards et bagarreurs, dans les cafés ou aux abords des quartiers chauds.

(Tous les lieux, dits de plaisir, étaient interdits à la troupe, et marqués du signe X et décrétés “Off Limits “ )

Les troupes alliés, en plus des américains et des anglais, étaient renforcées par les autres représentants du Commonwealth et de contingents étrangers (ceux de nations occupées, réfugiés en Angleterre) tous sous uniforme britannique, avec l’indication de leur nationalité cousue sur la manche gauche

Dans cet éventail de nationalités , l’élément américain était prédominant , en majorité des conscrits , issus de tous les milieux et de toutes les classes sociales , avec les inévitables inconvénients de cette mixité dans leur comportement , le diplômé d’université y côtoyait l’ouvrier du Bronx ou le bucheron de l’Arkansas , bref une majorité de braves garçons et une petite minorité d’authentiques voyous !

La fraternisation allait bon train : nombre de familles accueillaient ces militaires pourvoyeurs en biens de toute sorte ( ceci expliquant cela ) , toutes denrées issus de leur PX , cigarettes , savon , dentifrice nescafé , sucre , beurre salé , conserves diverses , pain de mie , bref , produits dont nous étions sevrés depuis longtemps , et qui alimentaient, pour certains, un fructueux marché noir !

L’Algérie découvrait les rythmes de cette musique nouvelle, d’outre atlantique, dans les concerts qu’offraient les orchestras militaires, sur la place publique, et la jeunesse s’initiait au swing et au boogie woogie grâce aux disques qu’apportaient les Gi’s dans les surprises parties où ils étaient conviés

Comme tous les troufions de toutes les armées du monde, nos valeureux alliés, le rank and file, ne faisaient pas exception, par leur intérêt marqué pour les filles qu’ils poursuivaient, avec vulgarité pour certains, mais le plus souvent par des compliments appuyés et des invitations (et plus, si affinités !)

Nos jeunes filles, pour certaines, n’étaient pas insensibles aux charmes de ces garçons, de belle apparence, surtout s’ils étaient gradés. Cela les changeait de nos mornes grivetons de 39-40, à bandes molletières, capotes et calot à deux pointes !

Ces fréquentations se concluront , souvent , par de nombreux mariages , souvent source de désillusions , à l’arrivée aux USA , ainsi , une de mes cousines avait épousé un fringant officier de marine , qui se révélera n’être qu’ un modeste garde forestier dans un bled de l’ Oregon !

Pour encourager cette fraternisation , les autorités alliées avaient institué des bals hebdomadaires , dans leurs bases , ou n’étaient conviées que les filles du coin ( à l’exception des mâles autochtones ) , et qui pouvaient , sans préjudice de la suite , se rassasier dans les copieux buffets offerts par l’ US Army.

Cette fraternisation n’était pas vue d’un bon œil par les parents qui veillaient à la réputation et à la vertu de leurs filles, comme mon père

Qui interdisait formellement à ma sœur ainée, 16 ans et mignonne, toute convivialité ou discussion avec ces militaires, quelque allies qu’ils soient !

Quant à moi , je pouvais copiner allégrement , en quête de souvenirs, timbres, insignes, avec ces garçons, et même avec leurs homologues féminines, WACS ou WAAF, et ma bonne bouille m’avait fait adopter par un groupe de ces charmantes troupières que j’avais invitées chez moi , à la surprise amusée et intéressée de mon père et de ses amis , à me voir débarquer, à l’heure de l’apéro, avec sept de ces accortes jeunes femmes !

On en arrivait à oublier la guerre, pourtant bien présente, avec un afflux de militaires en partance, de recrutement de nouvelles classes et de blessés en provenance des champs de bataille de Tunisie et plus tard d’Italie, que l’ on installait dans des écoles transformées en casernes ou en hôpitaux

Au fil des mois, nos “occupants“ se faisaient moins nombreux, appelés ailleurs à un devoir moins pacifique

Après l’arrivée de De Gaulle, les victoires alliées en Europe : Italie, France, Belgique et l’assaut final sur l’Allemagne, nous faisaient entrevoir une fin prochaine des combats, le retour à une vie normale et des lendemains qui chanteraient, mais c’est une autre histoire !

J’ai voulu donner là, ma vision du 8 novembre 42 et de ses suites, sans bien sur entrer dans le détail des opérations militaires et ses conséquences politiques

Bibliographie

Mes ouvrages de référence sur la vie à Alger 1942-45 :

- L’Aventure algérienne de Lucien Adès, Belfond, 1979

- La vie politique à Alger1940-1944 d’Y.M Danan, LGDJ, 1963

- Expédients provisoires de Renée Pierre Gosset, Fasquelle, 1945

- Alger et ses complots de M. Aboulker, Documents, 1945

 

 


Commentaires 


1. gozlan lucien Dim 04 Nov 2012

Bravo et merci monsieur pour ce brillant temoignage. Comme il est bon de lire des souvenirs authentiques. Oui, comme vous l ecrivez, la plus grande majorite des europeens en Algerie, etaient pour l adminisration petainiste et quel soulagement pour nos parents que ce ne soit pas les allemends qui aient debarque ce fameux 8 novembre 1942 en Algerie. Comme vous l ecrivez, oui tout etait pres pour les brassards que chaque juif allait devoir porter a seulement quelques jours de ce fameux jour "J".
Je suis de l 'nnee 1942, mais j ai beaucoup de souvenirs sur les echos que ma mere me faisait de cette periode difficile. C est bien dommage qu apres tant d annees personne ne se soit interesse a cet evenement cache par la veritable histoire de cette resistance glorieuse de si peu de personnes, dont les 3/4 etaient de jeunes juifs seulement ages d une vingtaine d annees.
J espere beaucoup de tous ces enfants en ligne directe qu ils se manifestent sur ce sujet afin que l on puisse honnorer tous ces OUBLIES du 8 novembre 1942. 

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