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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

 E. B. NOUS CONFIE SES SOUVENIRS ET ...SON REVE 

Selon le calendrier hébraïque le 1er SIWAN 5778 (15 mai 2018), nous aurions dû commémorer le centenaire de ce qui peut être considéré - à juste titre - comme le plus bel édifice juif du bassin méditerranéen.

Mis à part le chauvinisme dont on peut taxer les Oranaises et les Oranais, le monument est un petit chef d'œuvre d'architecture conçu par M. Dagne. Mais revenons un peu sur l'événement en lui-même et sur son contexte historique.

Fermons les yeux et imaginons nous, ce dimanche 12 mai 1918, remontant nonchalamment le boulevard national qui deviendra plus tard le boulevard Maréchal Joffre. Il est 3 heures et la foule, déjà très dense, se dirige vers le nouveau Temple qui peut contenir au moins 1000 personnes dont  900 places assises.

Une foule considérable attend dehors .Tiens ! je viens de croiser mon cousin Félix qui a été démobilisé après avoir été blessé à Verdun . Il est pigiste à l'Echo d'Oran. Je le vois griffonner des notes dans son carnet lorsque la Concorde passe devant nous.

A présent,  le tout Oran Israélite se presse devant la grille : venant du quartier juif ou descendant de Saint Antoine ou encore d'Eckmühl. C'est le sous-inspecteur Fima qui assure le service d'ordre. Je lève les yeux  et je peux voir le drapeau tricolore flotté au dessus des arcades.

Lorsque soudain quelqu'un me tire par le bras ; c'est Pierrot, mon meilleur ami. Je le suis. Monsieur Nahon n'est pas très content car nous n'avons pas été à l'heure pour le répétition de la Chorale. Heureusement, lorsque le grand Rabbin Weil pénètre dans l'édifice, suivi du président Hassan, des délégués  consistoriaux et rabbiniques,  nous entonnons, avec les autres, le 'Ma tovou ohaleykha Yaakov". 

Les orgues nous accompagnent diffusant jusqu'à la place d'arme le son très  harmonieux de leurs 18 jeux et 900 tubes. Félix m'avait dit qu'il n'en existait pas de plus puissantes dans toute l'Afrique du Nord.

Après la Minha, le grand-Rabbin Weil prononce un vibrant discours pour féliciter tous ceux qui pendant 38 ans ont encouragé ce projet.  Il termine en implorant D..." de donner à la France la victoire qu'elle a si bien méritée". A ce moment l'on peut entendre les sanglots de toute l'assemblée ; car qui n'a pas déjà perdu, ici, un frère, là-bas, un mari ou un père ou bien attend, avec tant d'espérance,  le retour d'un être bien aimé. 

Malheureusement, 400 des nôtres ne reviendront jamais. Leur nom sont inscrits sur une plaque qui sera placée à l'intérieur de la Synagogue (j'espère qu'elle y est toujours ?). Alors, comment ne pas rester à la Mère Patrie viscéralement attaché ? (on en reparlera en 1940). Après Arbit, lorsque le Dayan quitte l'édifice, l'on peut entendre, sur son passage, les youyous  stridents des femmes ...

Puis  j'ouvre les yeux : plus de Félix et de Pierrot. Je vois bien toujours devant moi le splendide édifice, avec ces deux tours. Je regarde alors le nom inscrit en français  et en Arabe : Boulevard Maata Mohamed El Habib.  J'entends alors le Muezzin qui appelle les fidèles à la prière.

Tous convergent vers l'édifice.  Je les suis.  Je vois alors inscrit sur un panneau devant la façade "Mosquée Abdella Ben Salam". Je me déchausse respectueusement. A l'origine, ce geste n'est-il pas une coutume hébraïque ?

 

A  l'intérieur sous la voute : plus de mobilier, plus de chaire, plus d'orgues, plus de Téba, plus d'Aron hakodesh ou de Menorah et plus de Siphrei Tora. Certes quel vide et quelle déception !  Mais, au moins, pas d'Idoles comme en 1669.Un ami algérien m'explique alors : "Tu sais, c'est mieux ; car ainsi le monument a été préservé. En 1972 le gouvernement

l'a complètement rénové et a même ravalé intégralement la façade. Aussi, ils ont nommé la Mosquée au nom d'un riche commerçant juif médinois  converti à l'Islam".

Je lui réponds, c'est vrai tu as raison, chez nous on reste pour toujours Juif, comme d'ailleurs, pour l'Islam,  la conversion ne marche pas. A plus forte raison pour les bâtiments ! Tout à coup, une voix s'adresse à moi ; puis son visage apparaît, un peu flou : c'est mon arrière grand-père Jacob L.  que je reconnais grâce aux portraits jaunies déposés, avec soin, à l'intérieur du buffet de notre salon duquel se dégageait, quand on l'ouvrait, une forte odeur d'anisette des Frères Gras.

 

 

Il me dit alors la chExtrait de l'Echo d'Oran daté du lundi 13/05/1918 (Cliquez sur le visuel pour l'agrandir)ose suivante : "Tu sais, Simon KANOUI, qui était témoin à notre mariage civil en 1892, a été depuis le début, en 1879, l'initiateur de ce projet. Il a même participé à la collecte des fonds  (950 000 Francs de l'époque) et pour cela, il a  même été jusqu'en Angleterre.

 

Et bien, il m'a fait une confidence qui va peut être te consoler un peu. Si tu regardes bien la façade tu remarqueras que les deux tours avec le fronton qui monte jusqu'à leur hauteur représentent un Sépher Tora ouvert.

 

Par ailleurs, les pierres ont été importées de Jérusalem (vérité ou légende à contre-vérifier). Ainsi, même si l'édifice est plus tard transformé en Eglise ou en Mosquée, à la fois il gardera toujours son caractère spécifiquement juif et, restera pour toujours, lié à la terre d'Israël.

 

Nous avons été trop souvent chassés d'Oran, sans que nous puissions y laisser un souvenir de notre passage. En 1669 lorsque l'Espagnole Marie, Reine d'Autriche, a expulsé les juifs d'Oran et a transformé notre synagogue en Eglise, toute trace de notre présence avait disparue.

Maintenant, la synagogue rappellera, pour  toujours, aux habitants que des juifs ont contribué à la fondation et au développement de cette métropole depuis l'époque phénicienne jusqu'en 1962 ».  

Ensuite, je me suis réveillé à Paris... Néanmoins,  le 1er SIWAN 5778 (15 mai 2018) souvenez vous que cet édifice aura un siècle et que dans la plupart des guides et des plans il est bien indiqué "ancienne synagogue".  Hazak oubarouck Rbi Shimon EL KANOUI !  

Pouvons-nous peut-être encore rêver un peu en imaginant, bientôt,  que l'on viendra de loin, comme à Cracovie, pour visiter le quartier juif d'Oran enfin réhabilité ainsi que sa synagogue. Pour l'instant, réactivons notre mémoire et numérisons nos documents pour pouvoir transmettre toute notre histoire (et/ou nos histoires familiales) aux générations montantes; car autrement, nous n'aurons pas d'audio-guides à proposer aux futurs visiteurs du Derb ! (1)

Fraternellement votre,  

E. B.  fils, petit fils et arrière petit fils d'Oranais anonymes.

 

  1. (1) Nom arabe du quartier juif d'Oran.

 

 

 

Le plan d'Oran actuel avec la mention "Ancienne synagogue" et" ancien quartier juif"La Synagogue (transformé en Mosquée) aujourd'huiAujourd'hui a l'intérieur de a Synagogue (transformé en Mosquée)i

 

Transcription de l'article de l’écho d'Oran du 13 Mai 1918 

 

L'Ouverture de la Grande Synagogue d’Oran

La guerre a aiguisé le besoin que tous les hommes ont de tout temps éprouvé de s'unir pour prier.

Trente-huit ans exactement après la pose de la première pierre, la grande Synagogue du boulevard National a été ouverte hier au service du culte.

A l’occasion de cet événement, qui marquera dans les annales de la Communauté israélite d'Oran, une cérémonie solennelle avait été organiséehier par M. Hessan, président du Consistoire. a bien voulu nous donner les renseignements suivants sur l'origine de la construction 

C'est vers 1877 que le Consistoire Israélite d’Oran eut initiative de doter notre ville d’une des plus belles synagogues du monde. 

Après de multiples, démarches auprès des autorités locales et supérieures, la concession gratuite de terrain fut obtenue. Il est juste de rappeler aujourd’hui les noms des principaux promoteurs de cette œuvre, d'autant plus que la plupart n’ont pas eu la satisfaction de la voir achevée.

Ce sont MM. Simon Kanoui, Président du Consistoire ; Judo Pimienta. vice-président ; Elie Lasry ; Lévy-Valency David ; Saffar Samuel. Cohen Isaac, Timsit Moise et Karoubi Freedj.

Le 12 Mai 1880 eu lieu la pose de la première pierre.

MM Kanoui et Bloch entreprirent ensuite un long voyage en France et en Angleterre ou ils recueillirent de nombreuses souscriptions Le Département, la Ville et I‘Etat allouèrent des subventions. Depuis, des difficultés regrettables ont arrêté le cours des travaux à plusieurs reprises.

Grâce aux efforts et au dévouement des membres du consistoire actuel, les travaux furent repris il y a un an et menés à bonne fin. Ce résultat heureux est dû aussi aux nombreuses offrandes parmi lesquelles il en est qui s’élèvent à vingt mille francs.

On nous permettra une description sommaire de l'édifice :

La façade principale encore couverte d’échafaudages, est flanquée de hautes tourelles d'aspect très gracieux, qui s'élèvent a une vingtaine de mètres. On pénètre d'abord dans le porche, puis, par trois grandes baies dans le vaste vestibule desservant les différents services de la synagogue. Dans ce vestibule, s’ouvrent trois grandes portes ornées de vitraux et donnant accès à l’interrieur du temple C’est une merveille d’art que ne dément pas l’aspect extérieur La grande nef aux arcades décorées d'arabesque est montée sur des colonnes de marbre rouge. Les chapiteaux de ces colonnes sont une merveille de style et d’exécution.

Cette nef est flanquée de bas-côtés aux croisées décorées de vitraux multicolores du plus charmant effet Elle est occupée par près de neuf-cents sièges en chêne massif.

Au premier étage, sont les galeries ajourées derrière lesquelles s’alignent, en amphithéâtre, les bancs des dames.

Au fond, l'hémicycle ou chœur contenant te tabernacle, limité par un portique majestueux surmonté des tables de la Loi portant gravés les commandements de D.ieu et l’étoile de Salomon. 

En avant, on remarque le chandelier à huit branches, œuvre de la maison Saunier Duval de Paris.

Vers le milieu de la grande nef se trouve la « teba » complètement en noyer et traitée dans le pur style oriental, ainsi d'ailleurs que la chaire à prêcher spacieuse et bien conçue.  Ces deux œuvres d’œuvres d‘art font honneur à l'industrie algérienne, représentée en la circonstance par la maison Ricard d'Oran et par la maison Alfonsi d'Alger.

Il n'est pas jusqu'au plus petit détail qui n'ait été étudié consciencieusement et les fauteuils qui ornent I ’hémicycle sont une preuve de la minutie qui a présidé à l'élaboration de tous ces travaux, l'imposante façade avec ses deux tourelles peut rivaliser avec les plus belles du genre.

Tout est bien ordonné et reste dans la note générale qui est le style oriental. Si on se reporte aux difficultés du moment, pénurie de matières premières et de mains d’œuvre, on ne peut que louer les hommes qui ont pris à cœur de menerà bien une tache aussi difficile et les auteurs de tant d’œuvres d ‘art.

On peut dire que toute la population israélite d’Oran avait tenu a donner à cette solennité le plus grand éclat.  Le nombre des assistants a été en effet évalué à plus de cinq mille personnes le coup d’œil était vraiment superbe, l'ensemble émouvant. C'est d'abord M. Raphaël Hassan qui prononce l'allocution d'ouverture. D'une voix émue mais forte, il dit son immense bonheur de présider à la réhabilitation de cet heureux événement si longtemps attendu.

M Raphaël Hassan définit en quelques mots la portée et la signification de cet événement que ses coreligionnaires attendaient avec impatience depuis 38 ans. Il rappelle que la construction du monument fut entreprise par son regretté prédécesseur M Simon Kanoui, sur un terrain de plus de 2000 mètres concédé par l’Etat à la communauté israélite d’Oran a titre perpétuel et gratuit ; il retrace les diverses phases d'interruption et de reprise des travaux par lesquelles a passé l'édifice pendant ce long cycle qu'on croyait interminable.

II remercie tous ses collègues du Consistoire et de la commission administrative qui se sont prodigués à l’envi pour aboutir à l’achèvement de la sainte entreprise, ne marchandant ni leur temps, ni leurs deniers, ni leur dévouement, bien qu'ils participassent sans compter aux nombreuses œuvres de guerre et d'assistance que les circonstances actuelles ont vu éclore nombreuses et urgentes.

II enveloppe dans la même expression de reconnaissance l'ensemble de ses coreligionnaires d'Oran à la générosité desquelles il n'avait pas fait appel en vain

II adresse ses remerciements chaleureux à ses modestes auxiliaire travailleurs honnêtes et consciencieux, qui lui ont facilité l'accomplissement de sa tâche quotidienne et ardue, notamment le maitre Jacob’s, qui, en un court espace de temps a préparé la maitrise et les chœurs avec la maestria qu'on lui connait. Il termine en déclarant sur le ton solennel qui convient : l’ouverture officielle du temple à l'exercice public du culte.

 

Puis on dit « minha » ou prière de I ‘après-midi agrémentée d'intermèdes de chants de circonstance chantés par le chœur qui s'est très bien comporté sous la direction de M. Léon Nahon, qu'accompagnait habilement M. Jacob's.

Après la Minha M. le grand rabbin Weill prononce du haut de la chaire un vibrant discours, écouté on peut le dire religieusement.

Au moment où il prend possession de cette chaire où la parole de D.ieu descend pour première fois M. le grand Rabbin ne peut dissimuler sa profonde émotion. Il traduit la satisfaction de tous en constatant que « ce que d'anciens considéraient comme une chimère est devenu une réalité ! » Il voit dans ce temple vaste et élégant le symbole d'union.

Il exhorte ses frères à y venir souvent « ce qui sera la meilleure manière de l'embellir davantage ».

Nous regrettons, faute de temps, de ne pouvoir reproduire. Au moins dans ses parties principales, ce beau morceau d'éloquence sacrée. Dans une belle péroraison, M. le grand Rabbin Termine en suppliant D.ieu de protéger la France, de lui conserver sa force et son prestige et de lui donner enfin la Victoire qu'elle a si bien méritée.

On dit « l'Arbit » ou du soir et la cérémonie prend fin tout à fait réussie grâce au zèle et a l'habileté d'organisations des ordonnateurs.

Le service d'ordre était très bien dirigé par Monsieur le sous-inspecteur Fima.

Nous terminerons en souhaitant du plus profond du cœur l'exaucement de la première prière formulée dans le nouveau temple :

Puisse l'inauguration de la grande synagogue d'Oran nous rappeler l’année de la victoire.

 
 

Commentaires   

0 # ARIEL CARCIENTE 17-03-2020 11:14
Superbe article. Tres emouvant. Merci.
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