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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

 

Quelques mots sur mon père

HOMMAGE RENDU A JACQUES LAZARUS-26 oct. 2014/ Photo de Georges Wojakowski

Tout d’abord, je remercie Michèle Rotman et Didier Nebot d’avoir organisé, au sein de Morial, cette rencontre / hommage pour mon père Jacques Lazarus.

Et je remercie aussi toutes les personnes présentes ici.

Mon père a eu une longue et belle vie. Il me manque.

La dernière année de sa vie, sans maman pour l’accompagner, J’étais - par nécessité - très régulièrement auprès de lui, chez lui, dans un modeste appartement parisien que mes parents louaient depuis leur venue d’Algérie. Et ces quelques mois, seule à seul avec lui, ont été merveilleux de tendresse et d’écoute. Il me parlait beaucoup et moi, je l’écoutais.


Et les paroles qu’il prononçait, étaient dites avec la même profondeur, la même conviction et le même enthousiasme que celles que je l’entendais me dire depuis ma plus tendre enfance.
Je vais essayer d’énumérer ici, mes plus beaux souvenirs de lui, en tant que père et en tant qu’homme, dans un inventaire à la Prévert.

C’était un homme fidèle

HOMMAGE RENDU A JACQUES LAZARUS - CENTRE RACHI - 26 oct. 2014/ Photo de Georges Wojakowski Fidèle à sa communauté, fidèle à son pays, fidèle à ses convictions et par-dessus tout, fidèle à ses camarades disparus pendant les années terribles de l’occupation et de la résistance dont il fut l’un des rescapés miraculeux.

Mon père était habité par le destin tragique de tous ses compagnons disparus en pleine jeunesse. Nous rappeler sans cesse à leur mémoire était un devoir qu’il s’était fixé et sur lequel il n’a jamais failli.


Quelqu’un en particulier le tenait plus à coeur : Marc Lévy, son ami, engagé volontaire dans l’armée de défense d’Israël, mort le 28 octobre 1948, à l’âge de 27 ans. Il nous parlait sans cesse de lui. ET, citant "Multiple splendeur" d’Han Suyin, il nous disait, dans un sourire de tendresse, "Il y aura toujours Marc".

Cette phrase, il me l‘a redite encore, avec ce même sourire, la veille de son décès.

C’était un père sensible et heureux de vivre

Ce sourire, je l’ai très souvent vu à ses lèvres. Homme simple, il était sans besoin autre que celle d’un foyer que ma mère entretenait amoureusement, pour lui, en lui permettant de se consacrer essentiellement à ses préoccupations intellectuelles.
Homme curieux, il s’émerveillait de toutes les beautés que la vie lui donnait et dont il aimait partager le ressenti avec nous.
La vue d’un beau paysage ou d’une simple petite fleur des champs le rendait heureux. De même, une belle chanson entendue, un bon film vu ou un beau texte lu.

"Ecoutez", disait-il, "Je vais vous lire quelque chose de splendide". Et jusqu’à ses derniers jours, il me récitait encore de mémoire des poèmes entiers.

Lors de son dernier long et triste hiver, il me disait, toujours en souriant, comme une consolation : "Le Printemps reviendra, il revient toujours".

 

C’était un homme généreux

Il consacrait une part importante de ses revenus aux oeuvres de la communauté juive, sans oublier de répondre régulièrement aux sollicitations multiples d’organisations laïques qu’il respectait et dont il trouvait les demandes dans sa boîte aux lettres.

Et pour les fêtes, il n’oubliait jamais d’inviter à notre table des personnalités amies qu’il savait seules en ces jours de réjouissances familiales. En souvenir, Mandel, Bulawko, et tant d’autres qui m’ont marquée par leur intelligence, leur culture ou leur histoire.
                                          HOMMAGE RENDU A JACQUES LAZARUS-26 oct. 2014/ Photo de Georges Wojakowski


 C’était un père de devoir, un inlassable travailleur  

Mon père s’est, tous les jours, levé de bonne heure. II répétait toujours : "Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt !".
Il avait gardé de sa formation militaire, une discipline qu’il se donnait à lui-même et attendait des autres. Quotidiennement, dès son réveil, à jeun, il allait se raser et, quelque soit l’endroit ou le temps, faisait sa gymnastique respiratoire devant la fenêtre ouverte.

Je l’ai toujours vu travaillant chez lui, peaufinant ses articles ou ses discours, lisant et relisant, jusqu’à ses 80 ans, les pages d’ "Information Juive" avant tirage - pour en être pleinement satisfait et ne trouver aucune faute de français - ou accueillant des universitaires venus le questionner.
Enfant, quand je paressais au lieu de me lever vite pour l’école, il ôtait la couverture de mon lit et prononçait ces paroles : "Une minute de perdue dans la jeunesse, est une chance de moins pour l’avenir !".

C’était un homme en colère

Je le revois furieux et pestant contre le laxisme et le manque de générosité de certains de ses coreligionnaires auxquels il devait faire de multiples rappels pour percevoir la cotisation dont dépendait la parution d’"Information Juive", son journal vendu par abonnement. Il était "écoeuré" (je reprends son propre terme) par la pingrerie de quelques uns qu’il savait très fortunés alors qu’il percevait des dons importants de personnes pauvres accompagnés de merveilleuses lettres  d’encouragement qu’il ne manquait jamais de nous lire avec émotion.

Furieux encore quand il recevait une lettre d’un abonné lui demandant de mettre le journal sans enveloppe pour cacher le titre, à cause d’un voisin, d’un concierge ou que sais-je encore. Il prenait plaisir alors à lui répondre personnellement pour lui dire sa pensée.


Furieux toujours quand il décelait, dans un écrit sur la Résistance, des informations erronées. En préface de son ouvrage, "Combattants de la liberté", hors série d’ "Information Juive" paru en avril 1995 à l’occasion du cinquantenaire de la libération de la France, de la libération des camps et de la victoire sur le nazisme, il a écrit : "Il nous a été donné de constater une fois de plus, en préparant ces chroniques, les difficultés auxquelles on se heurte pour obtenir des renseignements précis. Démêler le vrai de l’approximatif, voire de l’inexact, n’est pas toujours chose aisée.

Trop d’informations sont erronées, qu’il s’agisse de l’état civil, des activités réellement menées, des circonstances de l’arrestation et de la mort. Trop souvent les archives – comme les ouvrages, articles, actes de colloques consacrés à la Résistance Juive, à la participation des juifs à la Résistance – sont entachés d’erreurs qui, reproduites, se trouvent amplifiées.

Les souvenirs des survivants, avec la fuite des années, sont assez fréquemment imprécis, pour ne pas parler de ceux arrangés, adaptés ; trop de personnes se proclament historiens sans être animés des connaissances et du sérieux dans la recherche qu’exige cette qualité".


Il avait, lui-même, rédigé en quelques lignes une biographie personnelle qu’il nous avait confié à ma soeur et à moi et qui a été lue à son enterrement.


C’était un père attentif et tendre

Père exemplaire, il s’inquiétait du bien être de ses enfants et de ses petits enfants, demandant toujours si nous avions besoin de son aide et nous gâtant beaucoup.

Jusqu’à ses derniers jours, il me disait encore : "Nora, tu sais que je peux t’aider si tu as des soucis d’argent. Surtout n’hésite pas". Et moi, je lui répondais par la négative en le remerciant tout en sachant que c’était lui maintenant qui avait besoin de moi - pas de mon argent car c’était quelqu’un de responsable qui a toujours gérer sa vie en bon père de famille - mais de ma présence, de mon attention.


Mon père ne se plaignait jamais, ne demandait jamais rien. Très seul sans maman à la fin de sa vie, quand j’arrivais et que je lui demandais comment il allait, il me regardait avec son beau sourire et disait : "tu es là, je vais bien".

Il se savait proche de la fin, avait fini par l’accepter, conscient de son grand âge et s’étonnant d’être toujours en vie "à presque 100 ans", disait-il.

 

C’était un homme respectueux et affable, "juste quelqu’un de bien ".

 

Lien vidéo de la conférence 

 

 

 

 

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