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De Simon Darmon

C'est un phénomène bien connu que de trouver en Algérie des petites villes (parfois très petites) et qui se sont donné le titre de "Petite Jérusalem". Quelquefois l'expression leur était attribuée d'office.

Parmi ces localités, il y avait Médéa, Tlemcen, Souk Ahras, Aïn Beïda et bien d'autres. Et pourquoi ?

Jérusalem, capitale d'Israël avait été à la fois le centre spirituel, l'appareil social et le cerveau qui régissaient le Pays tout entier. Et donc, dès que dans un endroit on trouvait une activité religieuse intense, une atmosphère qui liait l'ensemble (ou la presque totalité) de la population juive et une cohésion sociale où les membres agissaient au sein du groupe, on pouvait affirmer qu'on était dans la petite Jérusalem.

 La petite ville agissait en diapason avec la "Grande Jérusalem", elle vibrait de toute son âme avec elle, elle était son extension, sa continuité spirituelle hors du temps.

Ainsi Salomon Darmon me raconta un jour qu'à Souk Ahras, même lorsqu'on travaillait on pensait à un passage de la Tora, du Talmud.

La Paracha de la semaine se vivait au quotidien ; il était commun d'échanger des opinions sur un commentaire qui n'était pas tout à fait clair ou qui était compris différemment par des personnes différentes. Tout le monde s'y mettait, du ferblantier au secrétaire de la mairie, de l'imprimeur à l'instituteur. Après le travail, tous se retrouvaient à la synagogue pour la prière de Minha et Arbit. Quand quelqu'un présentait un nouveau livre de Tora, de commentaires, il fallait l'ouvrir et y lire au moins une phrase ou quelques unes, comme pour dire : "C'est ainsi que je participe à la vie spirituelle de notre Jérusalem".

Tonton Salomon Darmon me dit également un jour : "Tu sais, je sens ici (en plaçant la main droite sur son cœur) que Jérusalem est en moi, plus encore, moi, je suis à Jérusalem". Je crois qu'il n'y a rien de mieux pour illustrer cet attachement profond de la Jérusalem d'en bas (de la Diaspora) à la Jérusalem d'en haut (celle d'Israël).

Rachbats (l'un des deux grands Rabbanim venu de Palma de Majorque en 1391 s'installer à Alger) n'a-t-il pas écrit dans son fameux Maguen Avot que l'hébreu est la seule langue où Jérusalem se dit Yerouchalaïm (pluriel de deux = duel) :

- la Jérusalem d'en haut (la céleste) et

- la Jérusalem d'en bas (la terrestre).

Et puisqu'on parle et de Jérusalem (d'Israël), qu'elle était belle cette coutume des Juifs d'Algérie, de se faire enterrer avec un petit sachet de terre d'Israël ; l'une rappelant l'autre !

Source de l’information

CONTES ET RÉCITS DES JUIFS D'ALGÉRIE de Simon Darmon: