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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

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L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

 

L'Algérie: une longue étape dans l'errance

Par Claude S.

 

1936 un peu berbère

 

 

   L’Algérie : une longue étape
           
Malgré les racines berbères probables d’une partie de notre famille,  l’Algérie ne fut qu’une longue étape dans l’errance d’une communauté du peuple juif auquel nous appartenons.
L’histoire a fait de nous en France des « pieds noirs » mais nous ne sommes pas arrivés en Afrique du Nord avec la colonisation française.
Depuis le décret Crémieux en 1870, nous n’étions plus des «  juifs indigènes »  ou des « indigènes israélites » (tampon apposé sur les livrets militaires des juifs avant le rétablissement du décret Crémieux, en Octobre 1943) mais des citoyens français.
Les lois de Vichy ne nous ont rendus, qu’ un temps, à notre premier statut et nous nous sommes réfugiés en « Métropole »dans la débandade de 1961-1962.

 



Le 5 Septembre 1961, Jacques, les 2 enfants et moi prenions une Caravelle d’Air France pour Paris avec quelques valises comme pour des vacances… L’O.A.S. menaçait les candidats au départ. C’est persiennes fermées, que nous avons entassé l’indispensable* pour n’alerter personne : poussette, biberons etc... Pierre n’avait pas 3 ans, Pascale avait 7 mois !
Quelle sera la prochaine étape ?
La « bête immonde » se réveillant, nous voilà, nous juifs, à nouveau incertains et inquiets de l’avenir de nos enfants.
Sur cette terre là-bas je suis née et j’ai vécu jusqu’à 27 ans. J’ai traversé l’époque de la Seconde Guerre Mondiale loin de la tragédie des juifs de France, j’ai connu l’humiliation des lois de Vichy et la détresse de mes parents, le débarquement libérateur des Alliés en Novembre 1942,  la guerre d’Algérie que nous appelions les « événements » avec ses tragédies, l’exode enfin.
Je me souviens sans regret, sans nostalgie aucune.
Je me retourne sur mon passé pour témoigner un peu à mon humble niveau, pour mes 9 petits-enfants, encouragée à continuer par mes petites Clara et Alice, mes fidèles lectrices, à qui je dédie « mes écritures ».
L’Algérie est une étape capitale de ma vie, mais déjà lointaine, estompée par grands pans dans mon souvenir. 

*148 kg de bagages dont 88 kg d’excédent de poids taxable. Au moment de la panique de l’été 1962,10 kg par personne seulement étaient autorisés.

         

Chapitre 1 : OUJDA   

 LE JUDAISME MAGREBIN :
 De l’étonnante diversité du judaïsme magrébin j’ai été témoin, toujours à mon humble niveau,  depuis ma prime enfance, dans les turbulences de la seconde guerre mondiale puis de la guerre d’Algérie.
 J’ai vécu à Oujda (1933-1939), Taza (1940), Oran (1941-1944), Constantine (1944-1948), Tlemcen (1948-1952), et Alger de 1952 jusqu’au départ définitif en Septembre 1961 pour Paris et j’ai vu le Mellah à Oujda, le «  quartier juif » à Oran, Kar chara à Constantine,  Bab el Oued à Alger et j’ai pu constater, avec ou sans murs, clivages, ségrégation et exclusion surtout pendant la guerre.

 Oujda : 1933-1939 : un clivage : les « sujets marocains »et les « citoyens français ». 

 A Oujda, ville frontière du Maroc, sous protectorat français, à 15 km de l’Algérie, je suis née française le 10-12-1933  parce que mon père, né à Tlemcen, en Algérie, colonie française, y était fonctionnaire français.
Les enfants des juifs indigènes des mellah marocains apprenaient le français dans les « écoles juives », à « l’Alliance » : écoles de l’ « Alliance Israélite Universelle » fondée en 1860, pour lutter contre l’inculture et le sous-développement des communautés juives.  Les enfants de nationalité française fréquentaient l’école communale française où j’ai fait mes premiers apprentissages. Nous avions rarement l’occasion de  côtoyer à l’école les enfants juifs de nationalité marocaine.
Avec la pauvreté, le manque de soins et la surpopulation,  les fléaux de l’époque touchaient les juifs des mellah marocains plus que les autres couches de la population : trachome, cécité, tuberculose, épidémies. Pas d’antibiotiques, contre les insectes nuisibles (moustiques, poux, punaises, puces, blattes etc.) nous étions tous démunis.  
Je me souviens avoir souffert, dans ma petite enfance, de terribles conjonctivites fréquentes au Maroc qui m’empêchaient d’ouvrir les yeux au réveil. Il fallait de l’eau tiède salée et beaucoup de patience à ma mère pour que je puisse les entrouvrir.
 Certes il existait, hors mellah, une petite bourgeoisie juive aisée mais la population entassée dans les mellah marocains vivait  en majorité dans la pauvreté. Les têtes des enfants étaient souvent rasées à cause de la teigne et des terribles épidémies de typhus. Des vieillards loqueteux, maigres, malades, aveugles souvent, ou mutilés, juifs ou arabes mendiaient dans les rues. La misère marginalise et exclut. 
Le royaume chérifien du Maroc était un protectorat français depuis le traité du 30 Mars 1912, signé à Fès entre la 3ème République Française et le Sultan Moulay Hafid, protectorat qui perdura jusqu’en 1956,  mais les juifs indigènes ne bénéficiaient pas de la nationalité française. En Algérie, le décret Crémieux avait, en 1870, enrichi la population française de 37.000 nouveaux citoyens. Leur émancipation avait été très rapide et l’assimilation à la France et à la culture européenne totale. Eux qu’au 19ème siècle on appelait encore les « Yaoud al arab » : les juifs des arabes.
Mon père, français parce que né en 1903 en Algérie de père français,  avait un diplôme d’instituteur, mais avait choisi de travailler à la Poste. Il avait la passion de la langue et de la littérature françaises, des belles éditions reliées. Il dessinait, jouait du violon en professionnel. Jusqu’à la crise de 1929, il était violoniste à Tanger dans un orchestre classique.

 


                      

Ma sœur Josiane et moi sommes nées à Oujda dans une petite maison avec jardinet où des violettes poussaient partout. Dans la courette intérieure, malgré le grésil déversé en abondance,  surgissaient des scorpions d’un W.C. turc dont nous ne devions approcher en aucun cas. Pendant les étés torrides, Josiane et moi nous  immergions entièrement dans l’eau froide des petits bassins en ciment de la buanderie.
A travers la grille du jardin, terrorisées, nous regardions passer, suivi d’une meute de gamins gesticulant et poussant des cris perçants, Galoufa, l’attrapeur municipal  de chiens errants avec son lasso, un nerf de bœuf terminé par une chaîne en fer et un anneau coulissant, et sa fourrière, une charrette cage tirée par un âne, avec  grillage et barreaux de fer et 2 ou 3 malheureux klebs prostrés ou hurlant à la mort.
 Terreur aussi le boussadia, sorte de sorcier noir, griot ou derviche tourneur, effrayant avec ses queues de bête  et ses breloques autour de la taille et toute la ferraille hétéroclite qui tintinnabulait sur lui quand il dansait au rythme frénétique de ses karbakas, sorte de crotales, grosses castagnettes en métal à très longs manches, en roulant des yeux blancs. Il était parfois accompagné d’un singe assis sur son épaule, de un ou deux tambourineurs ou d’un enfant saltimbanque qui exécutait des sauts périlleux. Nous les entendions arriver de loin, les cris, les aboiements, le rythme fou des instruments. Nous étions affolées. 
«  Attention à Galoufa ! »  « Continue et je t’envoie à la fourrière » ! était la pire menace des adultes et la plus cruelle aussi. D’ailleurs je n’ai rencontré ces pittoresques personnages nulle part ailleurs qu’à Oujda.
Je me souviens aussi avoir, à travers la grille de ce jardin, troqué la fine chaîne d’identité en or que je portais au poignet contre une boîte de conserve qu’un petit yaouled faisait rouler au bout d’une ficelle. J’étais si fière de mon acquisition ! Ma mère a beaucoup couru pour  rattraper l’enfant. 
Nous avons ensuite habité dans un immeuble bourgeois avec des escaliers en marbre blanc que la propriétaire, une vieille avare, nous empêchait de fouler, par crainte de l’usure, en criant : « Balek ! Balek!» quand elle nous apercevait, ma  sœur et moi, avec notre petite bonne arabe dans l’escalier où nous ne faisions que passer. Au moindre bruit, elle pointait un nez inquisiteur dans l’entrebâillement de la porte. Nos appartements s’ouvraient sur le même palier. C’était, je crois, rue d’Alger( existe-t-elle ?). La dame un peu dérangée qui récupérait, par économie, pour la boire, l’eau des artichauts que ma mère faisait bouillir, s’appelait Mme Icare !
Ma mère avait une amie, Jeannette K., que j’ai revue plus tard, pendant la guerre, dans le quartier juif d’Oran. A Oujda, J’ai dû accompagner ma mère une ou deux fois quand elle lui rendait visite dans le mellah, à l’insu de mon père qui redoutait les épidémies,  le typhus surtout. Jeannette habitait avec sa nombreuse progéniture dans une rue qui exhalait une odeur  de misère, mélange indéfinissable d’égout et d’immondices dans la touffeur de l’été.  J’étais frappée par les murs nus badigeonnés à la chaux. A l’époque, partout des papiers peints très colorés décoraient les murs. Un pauvre mobilier aussi, nul objet décoratif, ni miroir, ni horloge, ni vase et pas de livres.

Le 7 Juin 1948, 3 semaines après la déclaration de l’Etat d’Israël, des émeutes antijuives firent, en 3 heures, à Oujda, où mon père vivait encore, et à Djerada, 43 morts et 155 blessés. Habitations et biens furent détruits. Le mellah d’Oujda fut reconstruit après ce « pogrom ».
J’ai l’amertume de constater que deux villes où j’ai vécu, celle de ma naissance et celle où j’ai passé une grande partie de mon enfance, ont vu déferler dans les quartiers juifs des hordes barbares d’émeutiers arabes: Constantine en Août 1934, avec la montée de l’antisémitisme nazi et Oujda, en juin 1948, avec l’antisionisme. Qui parle de coexistence pacifique ?
Il faut beaucoup d’idéalisme et d’optimisme pour espérer que des prétextes cesseront d’alimenter la haine à toutes les époques contre les minorités juive

 

 1939. Oujda : Cours préparatoire 



      

 
   

                                                                                                    

                            Le mellah à Oujda.

 

    


                                                              oudja porte dumellah                                                                      le mellah

 

 

 

La Casa d’España où J’ai appris à entonner l’Internationale, en levant mon petit poing aux meetings de la S.F.I.O.

oujda casa de espana

 

 

 

Chapitre 2 : Oran 1941-1944

  . Le quartier juif  sous Pétain : ségrégation et rejet.

Les premières constructions du quartier juif à Oran datent du début du XIXème siècle. L’Espagne, restée en Oranie pendant 3 siècles en avait été chassée en 1790  par un tremblement de terre : «   Oran fut conquise, Allah la rendit aux Musulmans » disait une inscription arabe pour commémorer cet événement. Lors de la reprise de la ville aux Espagnols, Mohamed el Kebir, décidant de repeupler Oran dévastée et dépeuplée, fit appel aux habitants israélites de différentes villes d’Oranie.  Pour relancer le commerce, il vendit à bas prix des terrains situés entre le Château Neuf et le Fort Saint-André à des juifs de Nedroma, Mostaganem, Tlemcen et Mascara avec la seule condition d’y construire sur des  alignements donnés. 40ans après le départ des Espagnols, les français firent leur entrée dans Oran, sans tirer un coup de feu.

 La toponymie du quartier juif se réfère aux victoires de l’épopée impériale de Bonaparte à Napoléon III : rue de la Révolution, appelée « rue des juifs », rue d’Austerlitz, rue de Wagram, rue de Magenta, du Mont Thabor.
 A Oran au début des années 1940, j’ai vraiment connu le  phénomène de ségrégation et de rejet du « quartier juif ».
C’était la guerre, l’antisémitisme était virulent et actif. Nous avions quitté Taza où nous n’étions restés qu’un an parce que mon père avait été chassé de la Poste. Nous étions en Algérie, colonie française, département d’Oran, mais pendant les années 41-43 où nous avons vécu à Oran, le statut des juifs avait été promulgué sous le régime pétainiste de Vichy, le décret Crémieux aboli, les juifs chassés de leurs emplois, réduits au dénuement, les enfants exclus des écoles. Les rues du quartier juif, abandonnées des services de nettoiement et d’hygiène étaient nauséabondes. On y marchait au milieu de montagnes d’ordures. Je l’ai vu.

Après un long séjour à l’hôtel, notre famille a habité 21 rue d’Arzew mais je rendais visite à ma grand’mère Nouna  qui vivait chez sa fille Berthe au 22 rue de Wagram, face à un bain maure, au-dessus d’une laiterie dans le « quartier juif ».
Là on parlait certes français, on s’habillait à l’européenne, mais la misère était palpable. Le mari de ma tante Berthe, Gaston S., facteur financier à la Poste, privé désormais d’emploi, colportait, en car, de village en douar, deux valises de petite mercerie pour nourrir sa nombreuse famille. Huguette, ma petite cousine orpheline de mère, née en 1934,  d’un précédent mariage de son père, deux fois veuf, se souvient avoir eu faim et souffert des privations. Le pain, obtenu contre des tickets, était rationné.

C’est à Oran que j’ai compris que j’étais juive.
Mon père, né en 1903,  était athée, laïc. Il pensait que pour saisir cette chance immense que nous offrait la France, pays des droits de l’homme et de la liberté, il fallait se débarrasser de tout ce qui avait fait de nous des judéo-arabes, soumis au statut de dhimitude, pendant tant de siècles. Cf. Coran verset IX, 29, qui sert de base scripturaire à toute la législation sur les Dhimmis, gens du Livre, Juifs et Chrétiens.
En 1940, la France l’a trahi, mais il n’est jamais revenu à la religion.
Quand, en Octobre 1941,  j’ai été renvoyée de l’école, j’avais 7 ans, bientôt 8. Après mon renvoi de l’Ecole Publique, ma  mère avait fait une vaine tentative pour m’inscrire chez les Sœurs. C’était la conversion et l’école ou le judaïsme et… « l’échoppe » ! Après tant de siècles de résistance de ce peuple entêté ? Je sais gré à ma mère de son choix ! Les antisémites m’ont renvoyée à mon identité ! 
Après l’abolition du statut des juifs et le rétablissement du décret Crémieux, officiellement par De Gaulle le 23 Octobre 1943, soit presque 1 an après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord en Novembre 1942, après bien des tergiversations des autorités, les enfants juifs de la République française fréquentèrent à nouveau l’Ecole Publique. L’assimilation à la France était déjà complète. En 1947, le décret Crémieux fut inscrit dans la Constitution.  

La fascination pour la culture et la civilisation occidentales et l’extraordinaire volonté et faculté d’adaptation des Juifs avaient contribué à leur émancipation et beaucoup « avaient fait un bond  en deux ou trois générations, du Moyen Age arabe aux XIXème et XXème siècles européens».( Selon la formule de  Chouraqui : la Saga des juifs en Afrique du Nord).
C’est le cas des membres de ma famille paternelle à Tlemcen et maternelle à Constantine.

 

Chapitre 3 CONSTANTINE : 1941 puis 1944-1948 :

 

Kar Chara. Un clivage d’une autre nature.
« Kar Chara »c’était rue Grand, rue Vieux, rue de France, rue Thiers. Certaines rues du quartier débaptisées, prirent ensuite les noms de soldats juifs morts pour la France mais l’Histoire ne leur  laissa pas le temps de s’imposer : rue du Sergent Atlan, ex rue de France (Paul Atlan, professeur de philosophie, engagé dans les Corps Francs mort pour la France en Tunisie), rue des frères Lévy, rue du sergent Sultan … « Sic transit… »
J’ai évoqué longuement la vie du quartier juif dans le texte intitulé KAR CHARA et  publié dans « Souvenirs de Claude ». (Sur le site  Constantine d’hier et d’aujourd’hui).[ et qui est à lire plus bas dans le site *NDLR]
J’ai vécu à Constantine en 1941-42, puis de 1944 à 1948. Pendant la guerre et tout de suite après.
A Constantine, la ville aux dix synagogues, la Jérusalem de l’Est, l’autre étant Tlemcen, les juifs nombreux avaient été chassés de la Place El kettani et parqués au XVIIIème siècle dans le quartier au bord du goufre dit « Kar Chara » « le bas » ou « le cul » de la ville  par le Bey Salah (1771-1792), le plus aimé des Beys constantinois, mort assassiné, sous la période turque, celui-là même dont les Constantinoises musulmanes continuaient de porter le deuil avec leur haïk noir –ailleurs il était  blanc- sûrement sans le savoir. Le quartier constitué de maisons mauresques  avait été agrandi au début du XXème siècle d’immeubles de style européen, rue Thiers et rue de France.
Dans les années 1940, les juifs vivaient toujours en grand nombre à « Kar Chara », près de leurs synagogues. La petite bourgeoisie juive avait déjà essaimé vers les faubourgs. Les plus âgés, souvent vêtus à l’orientale, parlaient arabe. C’est la seule ville de celles où j’ai vécu où des femmes âgées conservaient leur costume judéo-arabe traditionnel dans les années 1930-40. Dans certaines provinces françaises aussi, à cette époque, les costumes folkloriques bretons, alsaciens, normands etc… ainsi d’ailleurs que les patois n’avaient pas disparu. 
. La population juive conservait des vestiges du long passé judéo-arabo-berbère. Des femmes âgées, comme du temps pas si lointain où l’Algérie faisait partie de l’empire ottoman, gardaient le costume, la langue, les rituels partagés, les .habitudes alimentaires, les croyances notamment superstitieuses, le goût oriental des riches étoffes, des bijoux, des broderies en fil d’or.
A la même époque, les habitants juifs des grandes villes côtières comme Alger et Oran, par exemple, étaient européanisés complètement.
A Constantine cependant, dès les années 1920- 1930, après la première guerre mondiale, les jeunes générations qui avaient fréquenté l’Ecole Publique ne parlaient qu’en français, avaient adopté le costume européen, allaient au cinéma, à la piscine, au théâtre, aux concerts, partaient faire des études supérieures à l’Université d’Alger et, après la seconde guerre mondiale, à Paris, de plus en plus nombreux. 
 Outre la langue et les vêtements, un élément de cette fulgurante évolution est le choix des prénoms. On abandonne très vite  Messaouda, Meleha, Radia, Zerda, Guenouna dite Nouna( ma grand’mère paternelle), Said(mon arrière-grand-père paternel), qui figurent dans nos arbres généalogiques, et on voit brusquement apparaître des prénoms Second Empire : Clara, Valentine, ma grand’mère maternelle, Augustine, Eugénie, ses sœurs nées à la fin du XIXème siècle. Puis Berthe, Germaine, Léa etc.  Souvent les femmes âgées avaient des prénoms français mais des surnoms arabes comme les sœurs de ma grand’mère : Loueino, Zeiro. 
Les générations de transition utilisaient encore la langue arabe ou un sabir franco-arabe en truffant le français de mots arabes ou judéo-arabes ou l’inverse.                                
 A Constantine, j’ai vraiment vécu, à une époque charnière, la totale métamorphose de la population du quartier juif avec le contraste entre la vieille génération encore souvent ancrée dans son passé et les nouvelles, instruites à l’école de Jules Ferry. (« Nos ancêtres les Gaulois » !) assimilées à la France et à la civilisation occidentale. Un clivage existait aussi entre le petit peuple de Kar Chara et une certaine bourgeoisie juive aisée, évoluée, parfois française par senatus consulte avant le décret Crémieux, et qui s’était éloignée du vieux rocher.                                                            

« Tania » et « Tevilah »  au carrefour de deux cultures : le mariage juif 
texte repris en partie des «  souvenirs de Claude ».
  On vivait une époque de transition. La jeune génération était totalement occidentalisée et, en l’absence des hommes,  les femmes avaient découvert, pendant la guerre, le monde du travail et l’indépendance financière, comme en France, mais certains rites judéo-arabes ancestraux qui faisaient partie  intégrante de la vie traditionnelle constantinoise, s’imposaient encore.

 

            Josiane et Sarah : Tania à Paris

 

 

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  La « Tania »,  le rituel païen du henné est une cérémonie traditionnelle orientale qui était célébré lors du mariage juif comme musulman. Cette vieille tradition berbère, arabe et juive, donnait lieu, chez les juifs, à une petite fête, après les fiançailles, dans la semaine précédant le mariage. On accordait au henné, rempart contre les éléments extérieurs nuisibles, des vertus de magie sympathique, une valeur médicinale, cosmétique et, en particulier chez les berbères où les tatouages au henné étaient souvent d’un grand raffinement aux signes mystérieux, un pouvoir de séduction.
 La fiancée juive, habillée de rose, à l’orientale et toutes les jeunes filles à marier parentes ou amies recevaient dans le creux de la main de la pâte de henné attachée avec une gaze et un ruban rouge. Avec un louis d’or dans celui de la future mariée.  La mère du marié offrait  une corbeille capitonnée de satin rose avec des mules, des anneaux ouverts pour les chevilles (khelkhal) (que la jeune femme ne porterait jamais, bien entendu) et de gros serpents en or et, avec des « youyous » bien sonores, des femmes faisaient une démonstration de «  danses au foulard » sur de la musique arabe. La jeune fille moderne se prêtait, parfois, un peu contrainte à  ces  réjouissances typiquement judéo-arabes. La danse au foulard est un art qui ne souffre pas la médiocrité. 
Seules les femmes étaient conviées à ce rituel festif. 
La « Tevilah » « l’immersion » en hébreu, et «  baptême » en Grec, rituel du bain de purification, avec immersion totale, rite ancestral, dans la tradition religieuse biblique juive mais célébré à l’orientale,  avait lieu au bain maure la veille du mariage. Le Vendredi après-midi avant le Shabbat, la fiancée était accompagnée au bain rituel  « le Mikvé » (littéralement « collection d’eau ».)  Un « mahbès », un grand pot en cuivre contenait les serviettes et le nécessaire de toilette. Une « tassa », en cuivre également, servait à s’asperger.
Après une toilette très soignée dans la salle commune du bain maure et une douche,  on procédait au bain de purification « la Tévilah », à l’écart, dans une petite piscine avec des marches pour une immersion progressive, pleine d’eau « collectée » (d’où le nom Mikvé) de pluie ou de source à l’origine, pure, transparente, uniquement réservée pour les Juifs à cet usage. La jeune fille, entièrement nue, sans le moindre bijou, ni vernis à ongles, doigts écartés,  rien n’empêchant le contact entre le corps et l’eau purificatrice était complètement immergée, plongée 3 fois, tête comprise, comme pour un baptême chrétien, avec bénédictions et  prières, et l’intercession et l’aide d’une « ballanit ».

 Venait ensuite la dégustation de douceurs. On distribuait des pâtisseries orientales « maison » dégoulinant de miel et des dragées à toutes les femmes présentes indifféremment juives ou pas, apparentées ou pas, toujours avec force « Youyou » !
Puis, vestige encore de mœurs anciennes, parfois avait lieu l’exposition du trousseau, mais à la sortie de la guerre, la pénurie sévissait encore, et les mœurs évoluaient.
Pour le mariage religieux, à la synagogue, la jeune mariée était parée de blanc, avec voile  à  longue traine et filles d’honneur avec bouquets, rubans et dentelles. Elle entrait au bras de son père, très émue au son de la marche nuptiale de Mendelssohn à l’orgue.  Lors des réjouissances qui suivaient, c’est la musique moderne qui s’imposait pour les danses à la mode, avec des cavaliers qui souvent avaient retiré leurs gibus mais gardé leurs «  queues de pie », dans les milieux les plus aisés.

La célébration du mariage était tout à fait caractéristique des mœurs de la population juive  au carrefour de deux  cultures, deux civilisations.

Chapitre 4  TLEMCEN 1948-1952

 En pension: Un répit. « Harmonie illusoire ? ».
A Tlemcen,  « la perle du Maghreb », « Sources » des Berbères (l’antique «  Tilimsen » en tamazigh) et « Vergers »  des Romains (« Pomaria » en latin), la nature invitait à la paix. L’air était très pur, partout des sources, des ruisseaux, une végétation luxuriante, des oliviers à Mansourah, grenadiers, mûriers. En Mars, les amandiers se couvraient de fleurs roses, les noyers fleurissaient autour du Grand Bassin. J’adorais me joindre au groupe de pensionnaires qui partait en promenade le Jeudi et le Dimanche après-midi. J’ai des photos du jeudi 10 novembre 1949 de paysages, de cascades, de sites
exceptionnels.

tlemcen

 

 

Située à 800m d’altitude, accrochée sur les contreforts très arrosés de l’Atlas, Tlemcen est une ancienne capitale religieuse, intellectuelle, en même temps que le centre spirituel du Maghreb. Avec ses 7 lieux de culte, elle a toujours été considérée par les juifs comme sainte. Ils y venaient en pèlerinage sur « le tombeau du Rab »(photo de 1936 avec ma mère) et comparaient la ville à Jérusalem. Beaucoup de mosquées aussi, dont certaines magnifiques, spécialement la grande mosquée Djema El Kebir bâtie au XIIème siècle et située en pleine ville.

 

tlemcen pelerinage tombeau  rab

 

La ville arabe, très concentrée, avec ses ruelles étroites, était entourée de quartiers européens. Mais dans ma classe mixte, au Collège de Slane, les trois communautés : juive, arabo-berbère et européenne étaient mêlées. Les Musulmans, des garçons, étaient  nombreux dans ma classe de la 3ème à la Terminale. Les filles qui n’étudiaient pas de langues anciennes étaient scolarisées au Collège de Filles dit E.P.S. En terminale, elles nous rejoignaient au Collège de Slane. Cette section n’existait pas à l’E.P.S. Quelques rares jeunes filles musulmanes arrivaient en pension parfois voilées de leur haïk  blanc mais elles l’ôtaient devant le Collège.  Nous avions aussi de nombreux professeurs arabes, surtout en Maths (Adam), physique(Allal) Sciences. Harmonie illusoire ? En tout cas, je n’ai jamais perçu de phénomènes de rejet ou d’exclusion, pas même de cloisonnements, de clivages dans la population juive malgré les différences de niveau de vie. Pas de quartier ghettoisé, de ségrégation comme à Oujda, Oran, Constantine où le terme « Kar Chara », avait une connotation péjorative et suscitait au moins la condescendance chez les autres citadins des grandes villes.

A Tlemcen, Le quartier juif d’origine  occupait, selon l’histoire ou la légende,  un espace près du Méchouar offert par gratitude au Rab  pour sa communauté à l’intérieur des murs de la cité à la fin du XIVème Siècle. Avec le temps, ce quartier avait perdu son homogénéité et continuité avec, en particulier, le percement de la rue de France en 1846 par les soldats du Génie. Cette rue qui devint avec la place d’Alger et la Place de la Mairie le cœur de la ville,  contribua à me donner l’impression que les juifs étaient certes très nombreux dans les rues adjacentes mais pas coupés des autres communautés. La toponymie est révélatrice : les rues Bensidoun, du Rab et de la Synagogue, étaient probablement au cœur du quartier juif d’origine. Les autres noms attribués par l’administration coloniale ne manquent pas de sel pour un quartier juif depuis des siècles : St Cyprien, 1er évêque africain catholique martyr, Clauzel, conquérant français, Charles Quint et Ximénès, l’archevêque de Tolède à l’époque de l’Inquisition, qui s’était emparé avec sa flotte de Mers El Kebir, le 19 Mai 1505, glorieux conquérant espagnol, pas spécialement philosémite ! Une façon pour les nouveaux maîtres de prendre possession des lieux ? « Ense, Cruce » ?

En outre, à Tlemcen,  après la guerre, la bête immonde du racisme et de l’antisémitisme, repue de 6.000.000  de victimes juives somnolait.
Et nous étions inconscients du désir de justice et d’égalité ou d’indépendance qui travaillaient les élites musulmanes et des événements qui se préparaient. Pourtant les émeutes de Sétif en 1945, si durement réprimées auraient dû nous ouvrir les yeux. « Je vous donne la paix pour 10 ans ! à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés !»avait dit le général Duval. Neuf ans après, la Toussaint 1954 ! 
A peine 2 ans après mon départ de Tlemcen, se sont constitués des réseaux terroristes, communistes essentiellement, où ont été impliquées deux camarades de pension dont j’ai partagé la vie : Keira Aziz et Danielle Minne. Keira a été tuée. Une infirmière assure avoir reconnu son corps à l’hôpital. Elle vint me voir en 1953-54 à Alger où j’étais étudiante. Je ne m’expliquerai que bien plus tard sa présence dans la capitale, à cette date-là où s’organisait le terrorisme urbain. Je raconterai  ses questions, ses silences, ses réponses évasives, sa méfiance probable.


  L’époque de l’innocence : Keira et Danièle.  

tlemcen daniele1952

                                                                                                                              


tlemcen Keira
 

                                                                                              

 

 

Danièle Minne, la fille de notre nonchalant professeur de philo, à qui, nous « les grandes » du «dortoir des grandes » en pension, faisions les tresses tous les matins, est née en 1939. Elle prit le maquis à 18 ans en 1957 après l’arrestation de sa mère, ex Mme Minne, professeur de Lettres, devenue Mme Guerroudj,  condamnée à mort puis graciée le 8 mars 1962. J’en reparlerai aussi.
Danièle libérée en avril 1962 « rebaptisée » Djemila, mariée, et sa mère vivent  en Algérie. Je les ai vues dans un reportage à la télévision. La vieille dame a parlé de sa condamnation à mort, mais pas des crimes terroristes lâches contre des civils innocents dont elle s’est rendue au moins complice.

Mais je pleure encore toujours ma délicieuse et si jolie, limpide compagne de dortoir, Colette Cohen, au sourire et aux joues d’enfant, dont le lit était, pendant 4 ans, juste à la droite du mien sous une grande fenêtre. Nous chuchotions  après l’extinction des feux. De quoi parlions-nous ? De choses insignifiantes ! Nous ne refaisions pas le monde ! Colette était sereine, douce, discrète, une adolescente tranquille, à l’aise dans la vie, comme ignorant le mal. 
 Elle est morte  en Juillet 1962, victime d’une barbarie aveugle et surtout absurde à cette date où tout était joué, après les accords d’Evian et la grâce accordée aux militants F.L.N.
Pas de  grâce pour elle ! Elle est morte, disparue, sans laisser aucune trace avec son mari Jean-Jacques Sicsic, ses deux parents, deux amis et leurs deux autos sur la route Beni-Saf –Oran. Le jeune couple était instituteurs à Beni-Saf et se préparait à partir après l’année scolaire. Jean- Jacques et un ami étaient partis pour expédier leur auto au port d’Oran. Inquiets de ne pas les voir revenir, Colette et ses parents sont partis à leur recherche sur cette même route. Tous ont disparu. Et aucune trace  des deux autos ! Le jeune couple a laissé deux très jeunes enfants orphelins et une famille désespérée.

Voir le  très émouvant film de Hélène Cohen, sa nièce, en quête de vérité (été 2012).Algérie 1962. L’été où ma famille a disparu. 

 

                             L’époque de l’innocence

 Photo de février 1952 dans la cour du Collège : un groupe de pensionnaires.
Colette .En haut : 2ème en partant de la droite.
Keira. En bas : 3ème En partant de la gauche

 

 

tlemcen un groupe de pensionnaires

 

Photo de 1950 : Dans la cour : Colette est la 1ère en bas à gauche. Je suis juste au-dessus.

tlemcen photo de 1950

 

                                                    

Collège de Slane : année 1950-51 Classe de 1ère          En promenade avec J.P. Millecam, philosophe et écrivain

 

 

                       

 

            En Classe avec Mr.  Forado (histoire) Belle jeunesse mêlée, chrétiens, musulmans et juifs !

 

                                 

Photos de la  distribution des prix de 1952 : Madame Martin remet un prix.

Deux « Justes » :  

Mme Martin Directrice de L’EPS et de notre pension à qui je rends hommage parce qu’elle a donné des cours d’Anglais aux élèves juifs exclus et qu’elle a même  tenu à assister à leur distribution des prix dans une « école juive ». Elle a répondu affectueusement à une de mes lettres d’Alger en signant : votre « Alma mater ». 
Son mari Mr Martin, professeur d’histoire géographie« Fou Tchéou* pour des générations de potaches, manifestait  son refus de Vichy en restant ostensiblement  dans sa classe au moment du lever des couleurs instauré par Pétain. Il mérite notre reconnaissance pour son courage. Peu ont osé.

*Fou-tchéou ou futzu ou foochow à l’origine du sobriquet  est le nom d’une bataille navale (23 août 1884) qui marqua le début de la guerre franco-chinoise qui dura 16 mois.

             

Chapitre 5  ALGER 1952 -01961

. « Les événements» et l’exode.

A Alger, enfin, j’ai vécu ce que nous appelions «les événements» et l’exode. Beaucoup de juifs, surtout modestes ont milité activement et quelques-uns même dans l’O.A.S, surtout à Alger et Oran, dans le désespoir, en 1962, de la perte de l’Algérie, la terre de leurs racines depuis des siècles.

Mais nous sentions bien que le vent de l’Histoire ne soufflait pas dans un sens favorable pour nous. Les plus lucides ont vite compris qu’il leur faudrait partir, certains même dès le milieu des années 1950, surtout dans le Constantinois où l’on n’ oubliait pas 1934 et 1945, (c’est le cas de ma famille maternelle) mais nous n’avions jamais imaginé la tragédie finale.
Je ferai le récit de ce que nous avons vécu.

A partir de 1952, j’étais étudiante en hypokhâgne, puis en khâgne, au Lycée Bugeaud à Alger. Dans le quartier populaire de Bab-el-Oued, près du Lycée, j’habitais d’abord  chez une vieille dame, Mme B., 2 Place Wuillermoz, au rez- de- chaussée, sur une cour intérieure où couraient des rats d’égout. Dans la cuisine, nous avions la visite presque quotidienne de petites souris intelligentes et peu méfiantes. J’ai pleuré quand l’une d’entre elles, minuscule, s’est laissé piéger par une souricière. Puis, nous avons loué, très cher,- une grave pénurie de logements sévissait-, un deux pièces, sans grand confort pourtant, dans un immeuble rénové, au 13 rue Fourchault, pas loin de la Place des Trois Horloges, juste en face d’une usine de tabac qui faisait un bruit infernal et dégageait une odeur âcre, irritante.
 A Bab-el-oued vivait le petit peuple. Les origines juives, espagnoles, italiennes, maltaises, mahonnaises etc… se différenciaient de moins en moins. De tout ce « melting-pot » s’était forgé au fil des générations, dans le giron de la France, un type nouveau, avec son langage, son accent, ses mœurs, sa cuisine, représenté de façon pittoresque dans « La Famille Hernandez » de Geneviève Baïlac.

C’est seulement en 1962, après l’exode en France, que nous avons découvert, surpris, que nous étions des « pieds noirs ». Nous n’avions jamais entendu cette expression dont l’origine garde son mystère.

 

CONCLUSION

 

Avec l’indépendance de l’Algérie en Juillet 1962, le pays s’est vidé de toute sa population juive qui pourtant vivait là depuis des siècles sinon des millénaires. Les juifs étaient présents sur cette terre avant la destruction du Second Temple par les Romains en 70, en même temps que les Phéniciens qui pratiquaient le commerce. Des vagues successives de persécutés sont arrivés au Moyen-Age de France, d’Angleterre et de toute l’Europe. En 1390, après les émeutes anti juives, et surtout après 1492 et l’Edit d’expulsion d’Isabelle La catholique qui visait aussi les Musulmans, pendant la «Reconquista», les juifs affluèrent nombreux d’Espagne en Afrique du Nord. 
Cette population indigène, ce peuple qui avait subi, sans perdre son identité juive, successivement les invasions romaine, vandale, byzantine, arabe, turque et toutes les humiliations, persécutions et massacres et accueilli la France « pays des droits de l’homme et de la liberté »en 1830, a été entièrement balayée par cette dernière tempête de l’Histoire. Tous les juifs ont quitté cette terre définitivement pour une nouvelle « Diaspora ».130.000  arrivés en France, citoyens français déracinés.

 En octobre 1962, il ne restait que 25.000 juifs en Algérie dont 6000 à Alger. En 1971 ils n’étaient plus que 1000. En 1982, 200. En 1990, pratiquement plus.

A Constantine, le vieux Kar chara, avec ses très vieilles maisons mauresques dont celle où est née ma mère, 79 rue Vieux, tombe en ruines. La Synagogue de mon grand-père place Négrier dite « Temple algérois » la plus récente pourtant, a été rasée pour laisser place à un parking. A Tlemcen, la vieille maison où ont vécu mes grands-parents Sicsic, 31 rue de France, n’a pas résisté aux travaux d’aménagement et s’est effondrée. Où sont nos tombes ? Même si elles n’ont pas été détruites par le temps ou les hommes ou profanées, je ne saurais les retrouver. Je n’envisage vraiment pas de pèlerinage. « lè fet met », comme disaient nos grands-mères. C’est dans nos mémoires que nous devons chercher la trace de nos ancêtres.
 

J’ai trouvé dans le FIGARO du 26 Janvier 2010 l’avis de décès du « dernier juif de l’Oranais », Messaoud Prosper Chétrit originaire du Maroc. Il était conservateur du cimetière israélite d’Oran. Il a été inhumé dans le lieu de mémoire dont il avait la garde.

  • L’Algérie a connu :  
    654ans d’influence phénicienne.
    576ans de paix  romaine.
    104ans de destructions vandales.
    113ans de vaine reconstruction byzantine
    872ans d’occupation arabe avec les différentes invasions des Hillaliens, des Almoravides et des Almohades.
    311ans d’arbitraire turc.
    132ans de colonisation française.

 

 
    Commentaires (1)
 

1. gozlan lucien Ven 20 Sept 2013

Madame pour votre recit sur bab el oued, votre habitation a la rue fourchault, il y avait au rez de chausse un atelier de soudure ou je venais faire reparer les becs de gaz en fonte que l on faisait tomber par terre sans faire expres et qu il fallait refaire souder. Cet atelier avait disparu avec la renovation de cet immeuble, en face etait reste le bain maure. 
Dans cette rue fourchault, comme vous le rappelez si bien, il y avait aux alentours de cette fabrique, l atelier du pere de mon ami que je revoyais tous les jeudis a l alliance de la rue Suffren, et qui fabriquait des dragees, son nom c etait ACHOUR, et puis au fond de la rue sur la gauche on prenait des escaliers pour aboutir au cinema Le Suffren et de la, par une serie de petites marches en allant vers le haut, on tombait sur l avenue general Verneau et le cinema le Plaza. Merci pour tous ces souvenirs, vous les racontez si bien...

 

Commentaires   

0 # Françoise Sicsic 02-02-2021 15:23
Madame, merci pour votre témoignage, je suis la fille de Maurice Sicsic, le frère de Jean-Jacques Sicsic, qui a disparu, avec Milo Bensoussan, un ami. Jean-Jacques Sicsic était donc mon oncle. Et Colette Cohen, sa femme était ma tante. Je serais heureuse de recueillir vos témoignages et souvenirs sur Colette, ou Jean-Jacques, si vous en avez. Les enfants de Jean-Jacques, mes cousins germains Bernard et Jocelyne ont aujourd'hui hélas disparu. Mais je transmettrai tout aux enfants de Bernard, mes trois petits-cousins. Bien à vous, Françoise Sicsic
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