Par Daphna Poznanski-Benhamou :
- Membre du Bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger
-Présidente du Conseil consulaire (circonscription Tel Aviv-Haïfa)
-Ancienne Vice-présidente de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Il existe de nombreux livres sur l’Algérie et mon implication mémorielle dans tout ce qui touche à ce pays m’a amené à étudier de nombreux ouvrages. Depuis que j’ai fait partie de la commission « Mémoire et vérité » de l’Elysée sur la guerre d’Algérie, je suis submergé de livres ou manuscrits dont on me demande l’avis.
C’est ainsi qu’il y a très peu de temps on me donna le livre de Daphna Poznanski-Benhamou : «Les enfants de la guerre d’Algérie» qui venait de sortir en librairie aux éditions Ramsay.
Encore un livre me disais-je tout d’abord, certes il s’agissait de témoignages d’enfants mais qu’apprendrais-je de plus sur cette période. Avec une légère réticence je pris l’ouvrage :
- une vingtaine de témoignages de quelques pages chacun d’enfants juifs, chrétiens et musulmans ayant vécu leur petite enfance « là-bas » avant l’indépendance. Témoignages intéressants, mais sans plus, comme j’en avais déjà lus.
- Et le Témoignage de plus de 100 pages de Daphna auteur de l’ouvrage. Et là ce fut l’enchantement.
D’une écriture douce, chaude et limpide, Daphna, avec ses yeux d’enfant, nous fait revivre son Algérie natale. Une véritable magie sous ses mots qui dansent : «Le temps accouchait de cauchemars » dit-elle ici, «Les vents de la haine étouffaient l’air », dit-elle là.
Sans mentionner de façon précises les dates qu’un historien classique nous assènerait de façon un peu rébarbative, sa plume alerte traverse le temps. Nous suivons sous les yeux de cette enfant innocente toutes les phases de cette mauvaise guerre, des attentats de 1954 jusqu’au départ en 1962.
Pourquoi, dit-elle ? Pourquoi les balles ! Pourquoi les explosions ! Pourquoi la fuite ! Pourquoi la mort ! Ces mots simples avec la candeur de l’enfant qu’elle était prennent toutes leurs importances.
Si nous sommes régulièrement pris d’angoisse dans le récit tumultueux de cette guerre violente, parfois, par quelques mots bien choisis, Daphna nous rappelle que c’est la bouche d’une enfant qui ne voit pas le mal qui s’exprime : « guillotiné, ça veut dire quoi » dit-elle à un moment donné. Plus loin, lors du 13 mai il est question du gouvernement général envahi par la foule.
Elle ne comprend pas : « Qu’est-ce que c’est le gouvernement général ? » dit-elle. Là aussi un autre mot candide : «Référendum ! Un mot mystérieux pour la petite fille que j’étais. »
Dans ce livre tous les épisodes de la guerre d’Algérie sont décrits : « Attentas, tracts, censure, OAS, FLN, négociations, quarteron de généraux, De Gaulle, la Valise ou le cercueil etc… ». On y lit des bouts de vie, des morceaux de guerre avec des mots du quotidien si bien choisis. On y voit l’espoir puis le désespoir du petit peuple qui ne peut lutter contre ces forces qui le dépassent, avec tout le long de ces pages des mots imagés et colorés : « Il s’ouvrit dans le pays un vaste magasin d’illusions. »
Mais elle ne juge pas, un enfant ne peut pas juger c’est ce qui donne à ce livre cette force innocente.
Beau livre, étonnant. Oui quelque chose de neuf sur la guerre d’Algérie en 2023.
Daphna Poznanski- Benhamouest une femme politique, conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger, chevalier de l’Ordre national du Mérite pour ses actions en faveur de la francophonie, Chevalier de la Légion d’honneur pour ses combats en faveur des Français de l’étranger.
Elle est née en Algérie.
Didier Nebot