QUAND VICHY INTERNAIT SES SOLDATS JUIFS D’ALGÉRIE, 1941 - 1943
Par Norbert BEL ANGE
Ils rejoignent le camp de Bedeau, celui de Chéragas et celui de Teleghma.
Le 27 mars 1941, les circulaires du général Picquendar, chef d'état-major de l'armée de terre, donnent le signal de l'internement des soldats. juifs d’Algérie, déchus de leur nationalité française par la révocation du décret Crémieux
Ils sont donc démobilisés et, contrairement aux autres jeunes Français, ils sont envoyés dans les camps d’internement pour y être astreints à des travaux humiliants et inutiles.
Arrivée des militaires juifs au camp de Bedeau, en avril 1941.
Les travaux historiques entrepris sur les camps d'internement établis en France métropolitaine sous le
régime de Vichy ne manquent pas, mais l'étude de ceux ayant existé en Algérie est plus parcimonieuse; à fortiori lorsqu'ils ont été essentiellement réservés aux soldats juifs nés sur le sol algérien.
Mais la recherche dans les archives administratives et les témoignages recueillis auprès des anciens prisonniers qui ont survécu à ia guerre nous ont permis d'élargir notre connaissance sur le sujet. Si les données numériques sont encore incertaines, nous possédons maintenant de nombreux détails sur la mise en place de ces militaires et la vie quotidienne des internés.
En traversant la Méditerranée, le régime de Vichy "se chargea d'une salinité hors normes".
Le premier statut des juifs du 3 octobre 1940 fut suivi immédiatement de l'abrogation du décret Crémieux, le 7 octobre de la même année, faisant à nouveau de tous les juifs d'Algérie des indigènes.
Si la IIIe République fut marquée par une législation en matière de camps, l'Algérie sous Vichy devint un champ d'expériences uniques. Les autorités militaires et civiles, dans un art consommé de l'ambigüité, y mirent en chantier toute une mosaïque de camps : des camps de travail, d'internement pour étrangers, apatrides, prisonniers politiques, combattants républicains espagnols, juifs étrangers engagés dans la Légion étrangère et expulsés parce que juifs — et enfin, des camps d'internement pour les soldats juifs d'Algérie, dont le camp de Bedeau, dans le Sud oranais, apparaît comme l'archétype.
Discrètement et insidieusement, les officiers supérieurs de l'armée française poussèrent leurs soldats juifs algériens hors des rangs. Dépouillés de leurs uniformes, désarmés et dégradés, ces jeunes soldats de la classe 1939 subirent, de mars-avril 1941 à mai 1943, le plus long et le plus pénible internement en l'espèce.
Eux qui avaient vécu "l'étrange défaite" de 1940 et qui ne rêvaient que de "botter le cul des boches" se trouvèrent relégués sur les hauts plateaux algériens, loin des grands centres urbains du littoral, à l'écart de tout.
Le gouvernement de Vichy, ses officiers et ses sous-officiers (plus tard, des membres du service d'ordre légionnaire), souvent issus de la Légion étrangère, menèrent la vie dure à ceux qui, la veille encore, étaient leurs frères d'armes.
À Bedeau, au sud de Sidi Bel Abbès, où la neige et les étés torrides se succédaient, les groupements de travailleurs israélites durent eux-mêmes installer leur camp de tentes sur un terrain annexe à celui de la Légion, Les corvées de toutes sortes, les vexations, les provocations, les insultes antisémites y furent quotidiennes, jusqu'aux coups et à la prison.
Références de l'extrait de ce texte : Page 228 de l'ouvrage "Juifs d'Algérie" publié par le mahJ (Musée d'art et d'histoire du Judaïsme) en septembre 2012