Par Simon Bénarous
Ecrire la saga de Mascara en deux pages n'est pas possible : il en faudrait cinq cents. Raconter la vie de ses habitants, ses personnages pittoresques, son folklore, serait trop long.
Qui ne se souvient des pères Amiache, Djian, Daoudi qui partaient à la pèche accompagnes de leur bonbonne d'anisette, du père Benillouz assis avec ses amis rue d'Oran, tenant sa conférence de presse, du grand-père Benadi et de son garde de corps Zouzou Chetkit.
Et aussi, de Barbarisi le magicien qui coupait sa femme en deux, de notre croque-mort local Drederqui qui présentait ses futurs clients à l'avance, des pepites-zamandes notre bénisseur assermenté, de Ramos le coiffeur, organisateur du 14 juillet, de Hacco et de sa femme Loubia, des beignets du père Bitoun à la sortie du bain maure, de la bonne fougasse de Mme Santenero, de Aaron Guenoun et de sa calèche, du café Dentolila où les amis se tuaient au travail sur une partie de solo ou de belote, de la tournée des grands ducs place Gambetta, et du père Daoudi coiffeur qui, pour mieux raser ses clients aux joues creuses, leur mettait une pomme de terre dans la bouche ?
Les commerces étaient déjà en avance sur la Métropole, nous avions les Halles de Rungis derrière les portes de Bab-Ali, le super-marché Benadi, les pâtes à l'italienne Ouazana et les précurseurs du prêt-à-porter, la société Lascar et Benguigui, comme cabarets nous avions les Folies Bergères près de la gare et le Lido face à la gendarmerie.
Quant a nos fameux cars de transports, le R.E.R. Mascara Palikao et Bou-Hanifia, et le T.G.V. Mascara Oran. Pour nous, les jeunes d'avant, je crois que la meilleure école fut le scoutisme, où nous avons appris tant de choses, le contact avec les autres, la solidarité, nos sorties, nos feux de camps. Nos réunions ont contribué à nous former à la vie très jeunes, filles et garçons confondus.
Mascaréens et Mascaréennes se retrouvaient; car c'était l'époque des surprises-parties, des promenades derrière les portes d'Oran à respirer l'air frais, des chansons. Les histoires que chacun racontait faisaient de Mascara une ville colorée et agréable à vivre.
Quelle explosion de joie au débarquement américain que personne n'a oublié ! Ce fut presque aussitôt le départ pour la guerre, nous tous ici y avons participé : Tunisie, Italie, France.
Nous avons fait notre devoir. Après la guerre, beaucoup d'entre nous se sont fait démobiliser ici et ont épousé des métropolitaines que je voudrais intégrer aux Mascaréennes, car elles sont devenues pieds-noirs a 100%. Ce qui est formidable, c'est que depuis la maternelle, nos chemins se sont suivis et nous nous retrouvons réunis ici, toujours aussi soudés et aussi jeunes.
Et aussi une grande pensée affectueuse à nos mères qui ont eu beaucoup de mal à faire de nous ce que nous sommes, car la vie n'était pas facile.
Pour terminer, comme Mascara était le pays du vin, je dirai que la cuvée a été exceptionnelle et a bien vieilli. Pour longtemps, j'espère !
Simon Bénarous (décédé le 30 mars 2000.
Source de l'information
Texte de Simon Bénarous, publié avec l'aimable autorisation de son épouse.
CHRONIQUES DES COMMUNAUTES JUIVES D'ALGERIE
... AUJOURD'HUI DISPARUES (Edition Moriel)