Par Caroline Elishéva Rebouh
Lorsqu’on étudie l’Histoire médiévale, on apprend que les artisans d’alors étaient en possession d’un secret pour la coloration du vert et surtout pour la coloration du bleu.
Parallèlement à ceci, nous savons que pendant de longs siècles le bleu qui servait à colorer les tsitsioth n’était pas en usage et les talitoth étaient vendus selon la couleur naturelle de la laine.
Pourtant depuis quelques décennies on aperçoit des hassidim surtout arborant fièrement des franges bleues de ce bleu qu’improprement on traduit par bleu ciel mais qui en fait se rapproche du bleu de coeruleum c’est-à-dire d’un bleu profond et lumineux alliant une légère nuance de vert.
Selon les opinions, il est encore trop tôt pour mêler aux tsitsioth ce fil bleu car certains pensent que le "secret" de la fabrication de ce bleu sera délivré par le Messie.
En revanche, l’ancien Grand Rabbin de Jérusalem Itshak Herzog (le grand-père du leader du Camp Sioniste) avait consacré des années de recherche à la fabrication de ce bleu si particulier. La Tradition nous a toujours enseigné que le ver (shamir) qui avait aidé à construire le Temple avait disparu à la destruction du Temple ; d’après les midrashim, il suffisait que l’on pose ce ver sur un bloc de pierre pour que, seul, il transperce des montagnes.
De même, les teintes de pourpre et d’écarlate étaient fabriquées par un procédé particulier dont la matière première était un ver (tolaât shani).
D’après le texte biblique, cet azur provenait d’un escargot (hilazon) qui vivait en colonies et se reproduisait au bord des côtes maritimes.
Les pêcheurs les ramassaient avec toute la boue, le varech et les algues qui les entouraient ; dans un deuxième stade, il fallait extraire les glandes digestives de ces coquillages avant de les broyer et de les faire bouillir pour en obtenir aussitôt une teinture verdâtre. Puis, selon un processus particulier, il était possible à partir de ce bain d’obtenir d’autres gammes de nuances allant du bleu profond jusqu’à l’écarlate !
Parmi les nombreux interdits imposés aux Juifs par les Romains figurait celui de l’interdiction absolue de fabriquer ce bleu azur dont l’usage était réservé à la caste royale et noble ! Peu à peu cette tradition orale sur les secrets de fabrication s’effaça jusqu’à disparaître complètement.
La plupart des groupes hassidiques pensaient que ce secret parmi tant d’autres trouverait sa solution aux temps messianiques.
Mais, en Pologne, le Rav Mordékhay Yossef Leiner disciple du Rabbi de Kotzk quitta la cour de ce grand tsadik pour fonder sa propre dynastie qui s’intitula désormais la Radziner Dynastie en 1839. Son siège était Izbica-Radzin et, le troisième Rebbe de la lignée, Rebbe Guershon Henoch Leiner de Radzin insista et démontra que rien ne s’opposait à insérer dans les tsitsioth le fil d’azur.
Encore fallait-il savoir comment obtenir ce bleu profond. Il entreprit d’étudier comment y parvenir en se rendant sur l’une des côtes méditerranéennes susceptible d’abriter le hilazon en question et avec l’aide d’un professionnel, et, après plusieurs essais peu probants ils réussirent à obtenir un bleu profond comme celui convoité.
Cette fois, le secret de fabrication noté, et ne risque plus d’être perdu. Depuis la fin du XIXème siècle, les Radziner mêlent à leurs tsitsioth le "petil tékhelet" (fil bleu azur) bientôt imités par d’autres hassidim.
Le Rav Herzog poursuivit ses recherches et les approfondit jusqu’à parfaire la formule à partir du hilazon se trouvant sur les côtes nord d’Israël.
Les archives du Rebbe Leiner furent détruites lors de la seconde guerre mondiale mais à partir de bribes de lettres retrouvées et avec l’aide du Rav Herzog, la formule pour la fabrication du bleu des tsitsioth fut remise au point et depuis, les personnes désirant porter des franges de ce bleu intense sont de plus en plus nombreuses.
Caroline Elishéva Rebouh