« La Dépêche d’Alger » face à la situation des israélites de juin 1940 à mars 1943.
Par Jean Kupfer et Lucien Gozlan
Il nous paru important à Lucien Gozlan et à moi-même de s’intéresser au grand quotidien algérois « La dépêche d’Alger » face à la situation des israélites de juin 1940 à mars 1943.
Ceci pour déceler à travers cette lecture les variations d’opinion de la rédaction ou celle de ces lecteurs.
Avant la défaite de juin 1940 le journal était peu marqué politiquement.
Pour la première fois en juillet 1940 on peut noter quelques remarques désobligeantes sur les étrangers. Des lois permettant la dénaturalisation, l'internement et la confiscation des biens de ceux ci sont publiées. Les attaques se précisent en septembre 1940 avec le récit de jets de pierres contre les vitrines de magasins du centre ville d'Alger. Les lecteurs en découvrant le nom des commerces attaqués ne peuvent ignorer l'origine juive des propriétaires.
Ensuite paraissent en octobre 1940 les différents articles sur le statut des juifs.Aux dispositions générales s'appliquant à toute la France, il est précisé la manière dont ils vont s’appliquer en Algérie. Une place spéciale est faite à l’abrogation du décret Crémieux. Pratiquement aucun ne comportent de commentaires désobligeants pour les juifs. Mais aucun articles favorables à ces derniers ne paraît, sans doute à cause de la censure.
Le début 1941 voit quand même apparaître quelques articles antisémites : il est souligné la présence d’une institutrice d’origine juive au sein d’une cellule communiste dissoute.
Le 22 janvier 1941 les est fait état de l'arrestation de commerçants juifs pour « marché noir » et leur transfert vers Marseille. Plus tard dans le même journal on apprendra leur jugement et leur acquittement suivi d'un retour vers Alger. Notre ami Lucien Gozlan a découvert sans surprise la présence parmi les accusés de son grand père Saada Alexandre.
Toutefois un article très curieux est publié le 2 mai 1941 faisant état d’une cérémonie pour « la concorde sociale » ayant eu lieu dans les divers lieux de cultes d’Alger y compris à la grande synagogue en présence des autorités. C’est à notre sens le seul exemple d’un article presque favorable aux israélites publié en France métropolitaine comme en Algérie, écrit durant cette triste période.
Le 14 mai 1941 il est fait allusion pour la première fois à la situation des juifs en France métropolitaine avec la notification d’arrestation. Ces allusions sont peut être faites pour faire peur aux israélites résidant en Algérie : leur situation pouvant s’aggraver en cas de manifestations.
Le 14 juin de la même année paraît le nouveau statut des juifs qui aggrave celui de l’année précédente et surtout instaure le recensement obligatoire des ressortissants de confession israélite en métropole comme en Algérie. Ces articles sont suivis par une dénonciation du parasitisme et de l’impossibilité d’intégration des juifs.
Pendant ce temps pratiquement chaque jour sont publiés des articles prônant l’amitié franco musulmane et les marques de déférences et d’allégeance de ces derniers envers la France.
En octobre 1941 il est créé en Algérie, comme ailleurs en France, le Haut Commissariat aux Questions Juives avec une visite en Algérie de son chef Xavier Vallat, ce qui accentue les persécutions envers les juifs. Pourtant pendant cette période (fin 1941 début 1942) paraissent 2 articles sur le grand champion de natation originaire de Constantine « Alfred Nakache », dont il doit être pourtant difficile d’ignorer les origines juives.
Ensuite paraissent des articles sur le numerus clausus imposé aux juifs exerçant la profession d’officier ministériel. Ensuite une interdiction d’exercer comme débitant de boissons est confirmée. Toujours dans la Dépêche d’Alger il est fait allusion à une convocation des israélites pour un service militaire adapté. Par contre il n’y a aucun commentaire sur le procès de Léon Blum à Rion.
Ensuite il est fait mention de la création de l’UGIF dont les autorités de Vichy voulaient faire le seul organisme représentant le judaïsme français et son extension à l’Algérie. On sait que la résistance passive des dirigeants de la communauté juive empêcha son fonctionnement en Algérie.
En aucun cas il n’est fait allusion des arrestations d’israélites de Juillet à Octobre 1942 en France métropolitaine. Bientôt arrive en novembre de la même année l’Opération TORCH.
Même si peu à peu le ton du journal change devenant beaucoup plus favorable aux alliés il n’est fait aucune allusion aux israélites et leur participation essentielle au débarquement. Par contre il est précisé que les hauts fonctionnaires nommés par Vichy sont confirmés dans leur fonction.
L’amiral Darlan nouveau chef civil et militaire de l’Afrique du Nord se proclame fidèle au maréchal Pétain et prêt à appliquer ses lois (2 décrets antisémites sont encore publiés).
A la mort de l’amiral Darlan le ton du journal algérois ne change guère, toujours aucune allusion à la situation des juifs d’Algérie.
C’est en fait le 15 mars 1943 que paraît l’article le plus intéressant de la période (8 Novembre 1942 – 31 Mai 1943). A cette date paraît la retranscription du discours du Général Giraud (chef civil et militaire de l’Afrique du Nord).
Celui-ci proclame la nullité de toutes les lois racistes et antisémites prises par Vichy (soi-disant sous la pression allemande). Mais alors que les autorités en place, avec le maintien de l’ancien ministre de l’intérieur de Vichy comme gouverneur général d’Algérie, sont peu décidées à appliquer les nouvelles directives favorables aux juifs, un artifice de langage permet au général Giraud d’assimiler le décret Crémieux à une mesure raciste. Puisqu’il discrimine les musulmans par rapport aux juifs. La suppression du dit décret étant ainsi maintenu. Il faudra encore attendre quelques mois pour que les juifs soient rétablis dans tout leurs droits : le 20 octobre 1943 rétablissement du décret Crémieux.
En conclusion même s'il pourra apparaître que le traitement fait aux israélites dans la « Dépêche d'Alger » est très partial on notera qu'il l'est tout de même moins que dans les journaux métropolitains à la même époque. S'en même parler des feuilles purement antisémites qu'étaient « je suis partout » ou « le pilori ». On notera ensuite la rapidité avec laquelle « La dépêche d'Alger » passe du soutien aux puissances de l'axe à celui des alliés, ceci sans changement ni dans la direction ni dans la rédaction du journal.
Par contre la résistance Algéroise et sa participation au débarquement du 8 novembre 1942 tient une place très limitée. Les noms de ces patriotes n'étant jamais cités pour dissimuler que la plupart étaient israélites.
Sans doute un oubli !
Lucien Gozlan et Jean Kupfer Août 2013
1. gozlan lucien Mar 10 Sept 2013
Pour Bel Ayche,
Monsieur KUPFER s est trompe, on a vu l ECHO D ALGER, seul quotidien visible sur diapos aux archives d Aix en Provence.
2. BEL AYCHE Lun 09 Sept 2013
Il s'agit , en fait , de la " Dépêche Algerienne " seul quotidien algerois de l'époque avec " L'Echo d' Alger " et " Les Dernières Nouvelles . Propriété de potentats locaux , Robbe , Schiaffino, son ton géneral etait celui de la presse française de ZNO , fervemment marechaliste et " Revolution Nationale " qui refletait l'antisemitisme ambiant et officiel
Le titre disparaitra pour " epuration" à la Liberation et sera remplacé par le " Journal d' Alger "