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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

LA RESISTANCE JUIVE ALGERIENNE

La défaite de Juin 1940 accable la France ; c'est l'écroulement, le naufrage.

Dès son offensive, le 10 Mai 1940, l'avance de la Wehrmacht fut foudroyante. La Hollande et la Belgique furent envahies en quelques jours. L'armée hollandaise capitula le 15 Mai, l'année belge le 25 Mai. Le corps de bataille français dépassé, encerclé, disloqué, ne put livrer que des combats sans autre issue que sa destruction.

Début Juin, la bataille était perdue. Le 10 Juin, l'Italie fasciste de Mussolini qui s'était abstenue de s'engager dans le conflit, déclare la guerre à la France et à l'Angleterre et attaque sur tout le front sud-est français. Le gouvernement de la France présidé par Paul Reynaud s'était replié à Bordeaux le 14 juin, apis la formation, le 6 juin, du dernier gouvernement avec le Maréchal Pétain âgé de 84 ans, comme Vice-président du Conseil et Ministre d'État.

Les Britanniques achevaient le rapatriement de leurs troupes et les quatre dernières
divisions anglaises se dirigeaient en toute hâte vers les ports pour regagner la Grande- Bretagne.

L'Empire français et la flotte française intacte auraient pu donner à la France la possibilité de continuer le combat aux côtés des Anglais. Hélas, le gouvernement choisit la capitulation, répondant en cela aux vœux d'une bonne partie de la population,

Le 17 Juin 1940, le Maréchal l'étain à qui avait été confié la constitution d'un nouveau
cabinet, s'adressait aux Français en ces termes: "C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat, je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec moi, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités."

Le lendemain, 18 Juin 1940, le Général de Gaulle lançait de Londres son premier appel à la radio, message d'espérance pour tous ceux qui n'acceptaient pas la capitulation et plus particulièrement pour les Juifs.

Les conditions imposées par l'Allemagne dans le fameux wagon de 1918, au Carrefour de Rethondes, étaient écrasantes pour la France. En présence d'Hitler, le Général Keitel donna lecture de ces conditions : la France sera séparée en deux zones.

L'une représentant les deux tiers du pays, sera occupée par l'Allemagne ; l'autre zone, dite zone non occupée, au sud de la Loire comprendra le Massif Central et le Midi. Des commissions d'armistice veilleront à l'application de toutes les clauses imposées par le vainqueur.

On est à remarquer que les Allemands ne demandaient pas que la flotte leur soit livrée, mais désarmée, de même que l'aviation. 11 est certain que si l'Allemagne avait exigé leur livraison, cela aurait pu pousser certains équipages à continuer le combat outre-mer.

Cette tolérance ne fut donc pas un geste généreux, mais une manœuvre calculée, Comment ont été ressentis ces événements en Afrique du Nord ?

A Alger, Tunis, Rabat, les élus et une partie de la population n'envisageaient pas d'autre possibilité que la poursuite de la lutte. Par l'intermédiaire de leurs consulats, les Anglais demandèrent aux trois Gouverneurs Généraux ou Résidents de continuer le combat aux côtés de l'Empire Britannique.

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Dans sa lettre du 18 Juin à Pétain, le Générai Noguès, Commandant en Chef le théâtre d'opération en Afrique du Nord concluait : "Permettre à l'Afrique du Nord de se défendre, c'est entreprendre dès maintenant, le redressement de la France".

De Gaulle, de Londres, fit des offres de service à Noguès. Celui-ci ne répondit pas.

Au fil des jours, cependant, le doute commence à s'insinuer dans les esprits. A Tunis, l'Amiral Estera tourne casaque. Le ministre de l'intérieur de Pétain ordonne que les agents consulaires de Grande Bretagne soient "mis dans l'impossibilité de faire de l'agitation et du recrutement."

Le 22 Juin 1940, sous la pression de Laval, la soumission totale à l'Allemagne était accomplie.

Cependant, en Angleterre et dans l'Empire Britannique, la détermination de combattre demeurait absolue. Craignant que la flotte française ne tombe aux mains des Allemands, une flotte anglaise commandée par l'Amiral Sommerville se présentait, le 3 Juillet à l'aube, devant la rade de Mers-el-Kebir près d'Oran en Algérie. C'est dans cette base navale qu'une grande partie de la flotte française était venue mouiller pour y désarmer.

Après le rejet par l'Amiral Gensoul des quatre solutions proposées par les Anglais pour mettre les navires français hors de portée de l'Allemagne, l'escadre britannique ouvrit le feu et envoya par le fond la plupart des bâtirent. Seul le cuirassé Strasbourg réussit à s'échapper, Après cette opération qui fit 1.300 morts et 340 blessés parmi les marins français, le Maréchal Pétain rompit officiellement, le 4 Juillet, les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne. Dès lors, le fossé se creusa rapidement entre les deux pays.

Les réfugiés politiques, les Juifs allemands furent traqués sans pitié et livrés aux autorités allemandes sur l'ordre du 7 Juillet de Laval.

Le 11 Juillet, à Vichy, étaient proclamés les articles donnant naissance au nouvel Etat Français, calqué sur les états d'Allemagne et d'Italie. Les nouveaux actes constitutionnels faisaient de Pétain le chef de l'état. Pierre Laval était officiellement désigné comme son successeur, Tout était en place pour ce qu'il fut convenu d'appeler "La Révolution Nationale". 

Cette rapide reconstitution des évènements m'a paru nécessaire pour la compréhension de la situation à laquelle se trouvaient confrontés les Juifs, en Algérie notamment. Le territoire algérien n'était pas occupé par les Allemands, mais des commissions d'armistice allemande et italienne siégeaient en permanence à Alger,

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EN ALGERIE

Dès l'armistice de Juin 1940, les populations d'Afrique du Nord furent prises en main par le gouvernement de Vichy. Après l'acceptation morose de la défaite et la soumission aux vainqueurs, le culte du Maréchal s'était instauré et le nouveau mode de vie reçu avec ferveur. L'Amiral Abrial, mis à la tête de l'Algérie au nom du Maréchal, met sur pied la Légion des Combattants, unique association d'anciens combattants et instrument de diffusion de la "mystique maréchaliste". Les Juifs, bien sûr, en sont exclus.

Dès les premières semaines qui ont suivi sa création, la Légion s'est vu confirmer une mission : surveiller les adversaires du régime.

En Octobre 1940, le Général Weygand est nommé Délégué Général pour l' Afrique Française par le Maréchal Pétain. Peu après son arrivée à Alger, les premières lois raciales sont promulguées.

- le 3 Octobre 1940: Publication du Statut des Juifs.
- le 7 Octobre 1940: Abrogation du décret Crémieux, signée par le Maréchal Pétain.

Il faut rappeler que le décret Crémieux, promulgué en Octobre 1870, avait attribué la
citoyenneté française à tous les Juifs algériens.

Il est à noter que les mesures anti-juives françaises furent prises par le gouvernement de Vichy en dehors de toute contrainte. Les autorités françaises allant, comme en d'autres tragiques circonstances, au-devant et au-delà de ce que les Allemands auraient pu souhaiter.

Les Juifs d'Algérie ont alors l'obligation de se déclarer comme Juifs. La mention "Juif Indigène" est apposée sur leur carte d'identité. Ils ne peuvent plus être fonctionnaire de l'Etat; l'exercice de la plupart des professions leur est interdit; des administrateurs sont nommés à la tête de leurs entreprises et leurs biens; un numérus clausus très strict limite le nombre des élèves juifs dans les écoles, les lycées et les facultés. Plusieurs sont arrêtés et internés aux camps de concentration de Bossuet, Boghari, Berrouaghia, Djenien-Bou- Rezg, Méchéria, etc.

Les détenus sont livrés à des tortionnaires et beaucoup succombent aux sévices qui leur sont infligés. Les vitrines des magasins appartenant à des Juifs sont brisées la nuit, à coups de pavés. Ceux qui viennent encore s'asseoir aux terrasses des cafés sont parfois insultés, giflés, chassés, les patrons des brasseries mis en demeure de refuser de les servir.

Vichy avait rabaissé les Juifs d'Algérie à une condition inférieure à celle d'avant 1830.

Habitués de longue date au climat antisémite qui les environnait depuis 1884, les Juifs d'Algérie sentent que cette fois, c'est plus grave car ils ne peuvent compter sur un soutien minimum des autorités. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la population musulmane s'est montrée en l'occurrence moins hostile que certains Français d'Algérie. Il est bon de rappeler qu'un général français, le général François, avait contacté des truands musulmans et leur avait proposé "trois jours francs de meurtre et de pillage", mais la réponse arabe cingla le général François : "Si vous avez une mauvaise action à commettre, faites-la vous-mêmes".

"Mis à la porte de leur nation, 130.000 Juifs algériens campent désormais dans leur pays" comme a pu l'écrire notre cher et regretté ami Henri Chemouilli dans son livre "Une diaspora méconnue". Des milliers de personnes perdent leurs moyens d'existence, les enfants sont renvoyés des écoles et jetés à la rue. Discriminés, menacés pour leur vie et pour leurs biens, que pouvaient-ils faire ?

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Quelques uns parmi les jeunes pensent à partir, à quitter le pays pour Gibraltar, s'engager dans les Forces Françaises Libres pour continuer le combat. C'est une voie qui m'a tentée et avec quelques camarades, dont le fils du général Tubert et deux élèves de l'école de navigation d'Alger, nous avons commencé à préparer notre évasion. Nous voulions utiliser pour cela un bateau que mon père possédait et qui était ancré au Club Nautique du port d'Alger. Mais son moteur avait dû être démonté car aucun bateau particulier n'était autorisé à sortir du port avec son moteur.

Seuls les bateaux de pêche pouvaient le faire. Le but de la manœuvre était donc de faire sortir le bateau du port, à la voile et de rejoindre un petit cabanon que nous possédions à la Pointe Pesade, sur la côte, à une douzaine de kilomètres à l'ouest d'Alger. Là étaient stockés le moteur et des vivres. Malheureusement,
dénoncés aux autorités, nous avons été arrêtés par l'inspecteur principal Bègue, envoyé spécialement de Vichy avec son équipe, pour lutter contre les velléités de résistance à Alger. Grâce aux précautions que nous avions prises, nous avons été relâchés, faute de preuves, 48 heures après, mais cela mit un point final à notre projet de rejoindre Gibraltar.

Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que, contacté par des amis qui eux aussi étaient obsédés par le désir de "faire quelque chose", j'ai pu m'associer à un autre projet qui devait prendre corps pour aboutir plus tard à la participation active au débarquement allié du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord.

LA SALLE GÉO GRAS

Début 1941, deux amis demandent à nous parler, à mon père et à moi. Ils viennent nous voir aux bureaux de notre entreprise, rue Jenina à Alger. Ce sont deux anciens de la L.I.C.A. officiellement dissoute par le Gouvernement de Vichy, deux amis de longue date, depuis les terrains de football où jouait l'E.S.A., l'Etoile Sportive Algéroise, une équipe juive dont mon père était le vice-président, et les bagarres qui nous avaient opposés à la bande antisémite d'Henri Coston. André Temime et Emile Atlan, puisqu'il s'agit d'eux, nous font savoir qu'ils ont l'intention de créer une salle de sport à Alger et nous demandent ni nous voulons participer avec eux à cette création.

Ils nous disent qu'avec deux autres camarades, Jean Gozlan et Charles Bouchara (Mickey), ils disposent de l'ancien local des Auberges de Jeunesse, Place du Gouvernement et qu'après certains travaux d'aménagement, il serait possible d'en faire une belle salle d'entrainement pour la jeunesse juive d'Alger. Ils nous laissent sous-entendre que cette salle pourrait aussi devenir le centre de rassemblement de tous ceux qui, dans la communauté juive d'Alger, pensaient qu'il valaient mieux se battre le moment venu et peut-être mourir une arme à la main plutôt que de finir dans un camp d'extermination.

Nous acceptons avec enthousiasme et mon père, grand mutilé de la guerre 1914-1918, offre de prendre à sa charge tous les travaux nécessaires à la transformation du local. Ce sera notre contribution à l'œuvre commune.

Il nous fallait également trouver une "couverture"; en effet, une salle de sport dirigée par des Juifs aurait été extrêmement suspecte aux autorités vichystes.

André Temime connaissait un ancien boxeur, bon catholique, moniteur d'éducation physique et pompier auxiliaire, du nom de Géo Gras. Celui-ci, sans se douter de rien, accepte de prendre à son nom la direction sportive de la salle d'entrainement qui devint la "Salle GÉO GRAS".

Vaste, claire, bien aménagée avec un ring de boxe, des agrès de toutes sortes, la salle fût fréquentée par de nombreux athlètes de renom : Roland Coureau, ancien challenger de Marcel Cerdan, Albert. Ayoun ex-champion d'Algérie de boxe poids lourds, quelques boxeurs professionnels et amateurs s'y entrainèrent.

Une section d'escrime tut également créée, dont j'eus la responsable car, pratiquant ce sport depuis de longues années, j'avais remporté quelques compétitions au fleuret.

Un 'mitre d'armes, Maître Gomis donnait régulièrement ses leçons. L'entrainement était très assidu et la Salle Géo Gras put se payer le luxe d'avoir des finalistes en 2e et 3e position aux championnats d'Algérie d'escrime: Emile Bismuth à l'épée et Paul Sehaoun au fleuret. L'ambiance au cours de ces compétitions avait été très tendue.

Le milieu de l'escrime était profondément Pétainiste et antisémite, snob de surcroit. Voir deux Juifs, en pleine "Révolution Nationale", oser se présenter à ce championnat dans les salles de l'hôtel Aletti était un vrai scandale! Ce n'est que grâce à l'intervention de deux amis fidèles non-juifs, parmi les dirigeants de la Fédération d'Escrime que nous avons pu nous maintenir en compétition.

Cependant, l'ambiance générale de l'assistance était tellement haineuse que nous avons demandé à nos camarades de la Salle Géo Gras de venir
contrebalancer ce climat.

Les finales devaient se disputer dans l'après-midi. Vers 14 heures, on vit entrer en file indienne, une quinzaine de camarades dont l'allure athlétique et décidée ne laissait aucun doute sur l'attitude qu'ils sauraient avoir en cas de besoin, Cela suffit à calmer la galerie sans diminuer pour autant la hargne de nos adversaires sur la piste.

Seuls les tireurs italiens manifestèrent à notre égard un fair-play qui nous étonna. Tout ce mouvement contribuait efficacement au camouflage de nos activités secrètes. 

La salle Géo Gras devint rapidement le lieu de rendez-vous et de préparation des évènements à venir. Cependant, si nous savions pourquoi nous nous réunissions et entraînions la jeunesse juive à Alger, nous n'avions pas encore d'objectif bien précis.

Afin d'entretenir le moral des camarades, des équipes étaient désignées pour peindre la nuit des slogans gaullistes et des "V" avec Croix de Lorraine sur les murs de certains immeubles en ville. Nous étions organisés en petits groupes de quatre, déguisés en Arabes avec blouses grises et chéchias, circulant illégalement dans de vieilles autos appartenant un ami garagiste, solidement armés pour ne pas tomber vivants entre les mains de la police. Nous n' avions en effet aucun doute: en cas d'arrestation, c'était le camp de concentration de Djenien-Bou-Rezg ou Méchéfia.

Nous avons poussé l'audace jusqu'à effectuer nos inscriptions sur les murs extérieurs de la Villa des Oliviers, résidence du Général Commandant en Chef les troupes d'A.F,N., gardée militairement,

Une autre de nos activités consistait en l'achat et le stockage d'armes et de munitions, Nous nous procurions ce matériel à des sources différentes : contrebandiers espagnols, petits trafiquants d'armes divers dont le risque était grand, ce qui évidemment influait sur les prix, Nous achetions tout ce qui se présentait: pistolets, revolvers, carabines, fusils de chasse, tout était bon. Pour stocker ce matériel, nous utilisions des caches aménagées dans les murs, les planchers, sous le ring de boxe, tout cela à l'insu de notre ami Géo Gras dont nous contrôlions soigneusement les heures de présence à la salle.

Le temps passait, rien ne survenait, sauf l'aggravation des lois racistes. Le gouvernement de Vichy réadaptait son système policier, reprenait l'armée en mains. Les troupes qui avaient combattu en Syrie contre les Anglo-Gaullistes étaient ramenées en Afrique du Nord.

Début 1942, le S.O.L. est créé, pâte reflet de la S.A. hitlérienne. Le RP.F, recrute des volontaires pour la Légion Tricolore sur le front russe et l'on prépare les étoiles jaunes pour les Juifs.

Pour varier les plaisirs, à la salle Géo Gras, je nie suis mis à la boxe avec mon ami Germain Libine, ancien boxeur professionnel.

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Il était venu nous rejoindre comme professeur de boxe et manager d'une petite équipe de la salle, couverture dont il avait besoin pour camoufler ses activités. Germain deviendra plus tard le garde du corps personnel du Général de Gaulle, avec le grade, de lieutenant.

Pour faire le point de la situation, nous nous réunissions tard le soir au bureau de la salle. Quelquefois, avec Emile Atlan et André Temime, nous nous rendions chez le docteur Raphaël Aboulker et son frère Stéphan, rue Bab Azoun à Alger. Le docteur Raphaël Aboulker et son frère Stéphan, en contact direct mais discret avec la salle Géo Gras, étaient le lien occulte avec l'état-major de la Résistance à Alger et surtout avec Henry d'Astier de la Vigerie.

Le 20 Octobre 1942, mon camarade Emile Atlan me dit: "Prépare-toi. Demain nous partons pour une mission aux environs d'Alger, au bord de. la mer. Amène avec toi un repas froid et ton pistolet." Je, pressentis qu'il se passait quelque chose, j'essayais d'avoir d'autres renseignements, rien à faire. Le lendemain, contre-ordre, nous ne partons plus.

Quelque temps plus tard, j'ai appris qu'il s'agissait de la protection des personnalités participant à la réunion de Cherchell du 22 Octobre au cours de laquelle le Général américain Clarck, venu secrètement, la nuit en sous-marin, avait rencontré les officiers supérieurs et résistants français.

Cette réunion avait pour objet la coordination de l'action des résistants de l'intérieur avec l'opération militaire alliée de débarquement sur les côtes d'Afrique du Nord, le 8 Novembre 1942.

DEBARQUEMENT ALLIÉ DU 8 NOVEMBRE 1942 EN AFRIQUE DU NORD

La date exacte du débarquement allié en A.F.N. n'a été connue qu'aux derniers jours d'Octobre. Robert Mui.phy, l'ambassadeur extraordinaire du Président Roosevelt à Alger, ne l'avait communiqué à personne auparavant.

Quoique représentant plus de 80% des effectifs pendant l'action, les Juifs algériens n'étaient pas seuls. Au plus haut niveau, le "Comité des Cinq", composé de: Henri d'Astier de la Vigerie, Lemaigre-Dubreuil, Rigault, Tarbé-de-Saint-Hardouin, Van-Hecke.

Henri d'Astier de la Vigerie était l'adjoint du chef des Chantiers de Jeunesse Van-Hecke.

Il fut le véritable fédérateur de tout l'appareil indispensable à l'action. Ce catholique, royaliste, avait pris contact à Oran avec Roger Carcassonne, un industriel juif de la ville.

Il s'était lié d'amitié avec lui et comprit qu'il pouvait compter sur lui. D'ailleurs Roger Carcassonne sera l'un des responsables de la résistance à Oran. Lorsque d'Astier fut muté à Alger, à l'état-major des Chantiers de Jeunesse, Roger Carcassonne lui présenta son cousin José Aboulker. José, fils du Professeur Henri Aboulker, avait déjà formé un petit groupe de resistants, avec pour adjoint son cousin Bernard Karsenty. H devint le bras droit de d'Astier.

Dans l'action également, André Achiary, commissaire à la D.S.T.6

Du côté des militaires, très peu s'étaient engagés, mais à défaut de la quantité, il y avait la qualité : Le chef de l'action du mouvement de libération, le Général de brigade Charles Malt, Commandant la division d'Alger et Commandant d'Armes de la place d'Alger.

Son adjoint dans le mouvement de libération : le Colonel Jeune, Major de la Garnison d'Alger. Voilà, en gros, comment était organisé l'Etat-major de la Résistance à Alger_ Quels étaient les buts de l’opération ?

Ceux-ci avaient été fixés lors de l'entrevue secrète qui s'était déroulée dans la nuit du 21 au 22 Octobre, près de Cherchell, dans une ferme, sur la côte, à 100 km. à l'ouest d'Alger.

Assistaient à cette entrevue les grands chefs américains, le Général Clarck, Adjoint du Général Eisenhower, le Général Lemnitzer et le Colonel Holmes, arrivés secrètement sous-marin, Robert Murphy, Ambassadeur extraordinaire du Président Roosevelt à Alger et Knight, Consul américain.

Du côté français, le Général Mast, le Colonel Jousse, Henri d' Astier de la Vigerie, le
Capitaine de Frégate Barjot, Van-Hecke et Bernard Karsenty, l'adjoint de notre camarade José Aboulker.

L'accord conclu à Cherchell prévoyait deux actions simultanées :
a) Les résistants s'engagent à assurer le moment venu, la rupture des communications, l'arrestation des principaux chefs vichystes, l'occupation des Etats-majors, la désorganisation de l'administration.

b) Les alliés s'engagent à débarquer des commandos, précédant le gros des troupes, pour relever les résistants avant la possibilité de représailles des Vichystes dont la supériorité en nombre est écrasante.

La date était fixée; elle serait indiquée ultérieurement. Avec quels effectifs la Résistance pouvait-elle réaliser une telle opération? Pour effectuer l'extraordinaire opération qui se précisait, il fallait impérieusement disposer à Alger de 800 volontaires. C'est ici qu'entrent en scène les garçons juifs d'Alger et particulièrement ceux de la Salle Géo Gras.

Sur les 800 volontaires convoqués par les différents groupes de résistance, 600 environ répondirent à l'appel, mais après plusieurs défections, ce sont seulement 377 d'entre eux, presque tous les Juifs, qui participèrent à l'action.

Ceux qui vinrent connaissaient l'enjeu de la partie et en acceptaient tous les risques. 132 d'entre eux venaient de la salle Géo Gras et constituaient le groupe B, le plus important numériquement.

Je ne puis malheureusement citer ici la liste complète de tous nos camarades. J'en évoquerai quelques-uns au cours du résumé de l'opération ci-dessous. Que ceux que je n'aurais pas cité ne m'en veuillent pas.

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"FRANKLIN ARRIVE"

L'après-midi du 7 novembre 1942, les radios anglaises lancent en clair, le message suivant: "Alio Robert, Franklin arrive!" : Franklin, c'est le Président Roosevelt; ce message, celui que nous attendions tous.

La convocation des volontaires ayant été effectuée, chaque combattant gagne le lieu de rassemblement de son groupe, à 21 heures. L'objectif : S'emparer de la ville d'Alger.

- Neutraliser tous tes points sensibles de manière que les forces Vichystes comprenant 1.000 soldats, 20.000 hommes du S.O.L. (Service d'Ordre Légionnaire) et les sections du P.P.F. de Doriot ne puissent s'opposer au débarquement allié.
- Arrêter tous les chefs civils et militaires de Vichy et les détenir jusqu'à l'arrivée des alliés.
- Couper toutes les communications téléphoniques.
- Désorganiser les services de police.

Je ne décrirai pas toutes les actions en détail, cela a été fait par des historiens de valeur. Je me contenterai de donner un résumé succinct de l'action.
Le Quartier Générai de la Résistance est réuni à sa permanence, chez le Professeur Henri Abouiker, 26 rue Michelet à Alger. C'est là que se retrouvent dans la journée du 7 Novembre les dirigeants de l'action pour les dernières mises au point.

Il y a là: le Colonel Jousse, José Aboulker, André Achiary, ancien chef de la D.S.T., Jean l'Hostis, etc... Les chefs de groupe s'y succèdent pour recevoir les dernières consignes.

A 18 heures, le Colonel Jousse donne le mot de passe qui nous servira entre nous et avec les troupes débarquées: Demande: Whisky, Réponse: Soda. Il remet les brassards destinés aux combattants, avec les initiales V.P. (Volontaires de Place). 11 débloque le stock d'armes, de vieux fusils Lebel soustraits aux commissions d'armistice et 25.000 cartouches. Un garage ami, les as. Lavasse, procure les voitures et camions nécessaires à l'opération. Les diplomates américains fournissent l'essence.

Notre camarade Colette Aboulker, soeur de José, s'occupe de tous les problèmes matériels, elle sera le seul élément féminin de l'action.

Le poste de Commandement Général est le Commissariat Central, Boulevard Baudin. A ce poste, José Aboulker remplace un colonel d'aviation qui ne vint pas.

Son groupe s'empare du Commissariat Central. Plusieurs agents de la police se joignent à lui. Il établit immédiatement la liaison avec tous les autres commissariats de la ville, occupés par d'autres groupes. Son équipe comprend environ 10 personnes dont Bernard Karsenty, Guy Cohen, Jean Athias, etc...

Les effectifs se constituèrent en cinq groupes, eux-mêmes divisés en sections. Le
démarrage de l'action fut fixé à 22 h. 30, le 7 Novembre.

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Le Groupe A.

Section A-1 Objectif: Prise de l'Etat-Major de la division d'Alger, Caserne Pelissier. Cef de section : Lieutenant Imbert
Adjoint: Aspirant Ouhayou

Section A-2 Objectif: Le Palais d'Hiver, siège de l'Etat-Major du Général
Commandant en Chef en A.F.N.
Chef de section : Sirot
Effectif: 17 volontaires
L'Etat-Major restera entre nos mains jusqu'à 6 h. 30 du matin.

Section A-3 Objectif: Occupation de l’Etat-Major de la Subdivision et isolement de l'Amirauté.
Chef de section; André Cohen
Adjoints: Lucien Loufrani, Marcel Habibou

C'est la section qui subit le plus grave échec de l'opération. En effet, dès l'aube, l'Amirauté appelle les marins aux postes de combat et encercle la section. Les hommes sont arrêtés et jetés en cellules. Quelques-uns plongent à la mer et réussissent à s'enfuir sous le tir des mitrailleuses.

Le Groupe B

Ce groupe comprend 132 hommes, des Juifs, presque tous appartenant à la salle Géo Gras.

Le nombre des défections y fut insignifiant. C'est le groupe le mieux structuré.
Ont été adjoints à ce groupe 12 volontaires non-juifs conduits par Marie Faivre, parmi lesquels se trouvent les 2 seuls musulmans ayant participé à l'action et 11 bretons conduits par l'adjudant Tilly.

Section B-1 : Objectif: Le X1Xème Corps d'Armée où loge le Général Koeltz, commandant ce Corps d'Armée, et le Central Mogador, Central téléphonique militaire, situés Place Bugeaud en plein coeur d'Alger.
Chef de section : Capitaine Pillafort
Adjoints : Lieutenant Jaïs (de réserve)
Germain Libine.
Flenri Mesguish
Mario Faivre
Lieutenant Darridan (de réserve)
André Temime
Roger Morali
Effectif: 58 volontaires

Le Capitaine Pillafort sera tué d'une balle dans l'abdomen vers 15 heures, devant le Commissariat Central.

La réussite de cette mission capitale a amené le contrôle de toutes les activités du Corps d'Armée et de ses transmissions.

Section B-2 Objectif : La Préfecture. Le Préfet Emmanuel Temple et sa famille y logent.
Chef de section : Jacques Zermati
Adjoints : Sallia Oued, André Lévy
Effectif : 27 volontaires

L'occupation s'effectue sans problème. Tout le personnel de la préfecture est arrêté. Vers 3 heures du matin, le Chef de la Légion des Combattants Breleux vient mettre ses troupes à la disposition du Préfet. Paul Sebaoun, de garde à la grande porte, le fait prisonnier.

Section B- 3 : Objectif : La Grande Poste

Chef de section: Jean Gozlan
Adjoint: Lieutenant Dreyfus
Effectif: 12 volontaires
L'occupation et la neutralisation du Central téléphonique s'effectue sans problème. Le matin du 8 Novembre, vers S heures, une compagnie du Sème Régiment d'Afrique encercle la Grande Poste. Un adjudant, revolver au poing, commande : "rendez-vous!" Le lieutenant Dreyfus répond: "Je veux parler à votre officier." L'adjudant tire et tue net notre camarade Dreyfus.

Section B-4 Objectif: Le poste émetteur de Radio-Alger.
Chef de section: Adjudant Tilly
Mission accomplie sans problème.

- Le Groupe C. Objectif : Le Palais d'Eté du Gouverneur Général de l'Algérie.

Chef de section: Maurice Ayoun
Adjoints : Raymond Abécassis, Aspirant Mucchieli
Effectif : 30 volontaires

Le Palais d'Eté fut occupé malgré la garde de Spahis et le détachement de Tirailleurs Sénégalais. Le Gouverneur Général Chatel était à Vichy. Son épouse et quelques hauts fonctionnaires furent gardés à vue par nos camarades.

A 12 heures 30, le 8 Novembre la mission du groupe C prenait fin.

- Le Groupe D - Objectif : Deuxième Central Téléphonique urbain à Belcourt
Foyer Civique du Champ de Manœuvre
Le Fort de Nouba
Chef de section: Paul Ruff
Adjoints : Dr Cviklinsky, Amyot
Effectif : 5 volontaires

Les défections ayant été nombreuses dans ce groupe, il lui a fallu se contenter d’occuper le Central Téléphonique.

A 23 heures 30, échange de coups de feu avec un groupe S.O.L.: 1 tué.

Le Groupe E - Section E-1 Objectif: La Villa des Oliviers, résidence du Général Juin, commandant- en-chef les troupes d'A.F.N.

Mission : Arrestation du Général Juin.
Chef de section: Armand Pauphilet

Au moment où la section E-1 prend la route de la Villa des Oliviers, Robert Murphy y arrive en compagnie du Colonel Chrétien. Il espère gagner Juin à la cause des alliés. Celui-ci refuse et demande à consulter l'amiral Darlan qui se trouve justement à Alger. On téléphone donc à Darlan qui se rend aussitôt à la Villa des Oliviers en voiture. Mis au courant de la situation par Murphy, Darlan se met en fureur. La section E-1 fait alors irruption et arrête le Général Juin et l'Amiral Darlan.

 

Ainsl, le 8 Novembre à 1 heure du matin, presque tous les objectifs sont atteints : la ville d'Alger, muette, a cessé d'obéir aux ordres du Gouvernement de Vichy.

Elle est passée aux mains des forces de la Résistance dont la grande majorité était des Juifs encore opprimés la veille.

La nuit s'achève, les Alliés ne sont pas encore là. L'angoisse commence à s'emparer des résistants. Et s'ils ne venaient pas ? Avant le lever du jour, le ciel, brusquement, s'illumine d'éclairs : des salves d'artillerie, de longues rafales de mitrailleuses. C'est Amirauté d'Alger, non investie cette nuit, qui effectue son baroud d'honneur avec l'énorme flotte alliée que l'on commence à deviner dans la pénombre.

En l'absence de Giraud, notre camarade Raphaël Aboulker prononce sur les ondes de Radio-Alger, alors entre nos mains, le discours que Giraud aurait dû faire. Le disque passera tous les quarts d'heure, entrecoupé par des marches militaires.

Que 377 hommes aient pu tenir pendant presque une journée tous les points stratégiques d'une grande ville comme Alger peut sembler incroyable. Il fallait pour se lancer dans une telle aventure une certaine dose d'inconscience et un courage certain.

Les jeunes Juifs d'Alger étaient le dos au mur. C'est un combat pour leur survie qu'ils ont mené. De cela, ils étaient pleinement conscients.

Il est indéniable que l'action de la résistance a permis aux troupes alliées d'entrer dans Alger sans combats d'envergure. D'énormes pertes en vies humaines ont été évitées de part et d'’autre.

Une opposition des forces de Pétain aurait certainement donné le temps à l'Allemagne, d'intervenir militairement en Algérie ; ce qu'elle a d'ailleurs fait en Tunisie, retardant considérablement la fin des hostilités.

A Alger, grâce à l'action de la résistance intérieure, les Alliés ont pu prendre pied en Afrique du Nord. Ils arrivèrent quelques jours plus tard à Oran et au Maroc.

La France put reprendre son rang parmi les nations libres et les Juifs d'Afrique du Nord étaient sauvés.

 

Paris, 1e 16 Mars 1983
Paul SEBAOUN

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Témoignages de Felix TILLY et de Pierre CHESNAIS sur :L'action du groupe des Bretons à Alger Groupe B4 Chef de Groupe Felix TILLY

Rapportés par le Dr A.VOUR’CH
Le 8 novembre 1942 - Le débarquement allié en Afrique du Nord fut un événement considérable ; il a suscité de nombreuses publications ; un historien, Gabriel Esquer en a donné un récit très objectif : " 8 novembre 1942, jour premier de la Libération".
Dans cette nuit historique la Bretagne ne pouvait qu'être présente.
On a expliqué la prépondérance des Bretons dans les Forces Françaises Libres par une facilité plus grande d'évasion que nos côtes bretonnes offraient à la jeunesse généreuse. En France on est rationaliste. Il nous est peut-être permis d'insinuer que l'explication, pour certains, vaudrait justification de leur propre carence. En réalité, il n'était pas plus commode de s'échapper de nos estuaires que des autres côtes de France. J'ai connu maints départs manqués. De guerre lasse nos jeunes hommes s'en allaient vers l'Afrique du Nord, avec l'espoir de rejoindre par là la France Libre. Hélas. Et c'est ainsi qu'ils furent présents et acteurs du 8 novembre 1942.
À Alger le secret avait été bien gardé ; les dispositions prises se révélèrent excellentes : deux morts seulement à déplorer de part et d'autre. Il n'en fut pas de même, hélas, à Oran ni à Casablanca.
Sur ce débarquement j'apporte deux récits parcellaires et encore inédits. Ils sont dus à deux Bretons. Tilly, du Guerlesquin (Finistère) et Pierre Chesnais, de Saint-Malo, qui les ont rédigés peu de mois après l'événement. L'historien soucieux d'exactitude remarquera, une fois de plus, que le même fait, narré par deux témoins, par deux acteurs, est rapporté, avec des différences.
Docteur A. Vour'ch


Relation de Félix Tilly
Depuis déjà longtemps Tilly était en relation avec Pilafort étant bien entendu que son adhésion serait complète lorsque surgirait le jour de l'action.
C'est le 6 novembre au soir que le capitaine Pilafort tenta d'avoir Tilly qui, absent de la ville, ne put le joindre que le 7 à 9 heures du matin. La révélation lui fut faite de l'arrivée des Alliés dans la nuit prochaine ; il lui appartenait de rassembler les hommes sur lesquels il pouvait compter. Il lui fut prescrit de reprendre contact à 17 heures pour fournir le résultat de ses démarches et obtenir de nouveaux ordres.
Tilly employa sa journée à alerter chacun des adhérents de son groupe.
Il avait en outre jeté son dévolu sur deux camions et une voiture de tourisme, que l'on devait saisir sans aviser le propriétaire.
Rendez-vous était fixé pour chacun à 22 heures au bas de la Rampe Chassériau. Lorsqu'il retrouva Pilafort à 17 heures, il apprit que son groupe avait pour mission d'occuper le poste de radio-Alger, le central protégé et le central télégraphique (1).

Les armes nécessaires étaient entreposées au garage Lavaysse, rue Michelet, où il les prendrait à 23 heures. Il dîna chez lui avec Chesnais. Ils attendirent les chauffeurs qui devaient prendre les camions. À 21 h 30 ils pénétrèrent dans l'établissement privé où se trouvaient ces camions. À 22 heures tout était rassemblé à pied d'oeuvre, au bas de la Rampe Chassériau : soit deux camions, une voiture de tourisme, environ 55 hommes dont 13 Bretons.
Tilly part dans la voiture légère pour prendre livraison des armes promises. Celles-ci perçues au garage Lavaysse, il revient à la Rampe Chassériau. Mais, au vu des armes, la plupart des 55 hommes réunis là, des Algériens surtout, prirent peur et s'en allèrent. Entre minuit et demi et 1 heure, le cortège s'ébranla, réduit à la voiture de tourisme occupée par Tilly et Chesnay et à un seul camion ; par suite de la défaillance d'un grand nombre, le deuxième camion devenait inutile. Et l'on se dirigea vers le gouvernement général.

L'arrêt se fit devant le poste de radio-Alger. Supposant que la porte était fermée à clé, Tilly dit à Chesnay de briser les verres à coups de crosses. Par l'ouverture ainsi produite, il pénètre revolver au poing, mais en enjambant, son vêtement accroche à un angle du verre très épais et il culbute. Dans la chute, le coup part et la balle s'écrase contre la première marche en face. Gourlan (2) ouvre alors la porte ; elle n'était nullement fermée à clé, ni verrouillée à l'intérieur. L'incident tumultueux aurait donc pu être évité.
Et ce coup de revolver dans la nuit eut pour conséquence de faire peur à quelques-uns des conspirateurs dont le courage avait tenu jusque-là et qui s'égaillèrent. Si bien que, la porte étant ouverte, il n'y avait plus grand monde pour entrer. Le camion était parti et, avec lui, les armes, les approvisionnements et le ravitaillement que Mme Tilly avait préparé en prévision d'un séjour plus ou moins prolongé dans l'établissement, c'est-à-dire un poulet, du pain, quelques litres de vin. Le vin était indiqué à cause des jeunes amis Bretons sur lesquels on savait pouvoir sûrement compter. De fait, sur les 15 fidèles il y avait 13 Bretons, un Algérien, chauffeur de Tilly et un Parisien. Et Tilly précise que parmi les défaillants, on ne comptait pas un seul Breton.
La petite troupe ayant pénétré, dans la maison, y trouva des plâtriers qui travaillaient malgré l'heure. Ceux-ci, devant une telle intrusion levèrent les bras. « N'ayez pas peur, nous sommes des gaullistes, on ne vous fera aucun mal ». On les considéra comme prisonniers et on les enferma dans le studio de radio-Alger. Et, tout de suite, on s'occupa du poste, on supprima tous les contacts. Puis on grimpe au premier étage et on essaie de pénétrer au central protégé. Il est fermé à clé ; impossible d'ouvrir. On monte au central téléphonique, encore plus haut. Là, l'homme de service était dans une cabine de verre : au spectacle de ces hommes armés, revolver au poing, faisant irruption chez lui, il a le réflexe de téléphoner. On ne lui en donne pas le loisir et on le déclare prisonnier. Puis on coupe tous les fils téléphoniques au couteau. Le téléphoniste est conduit, lui aussi, à la prison improvisée, c'est-à-dire au studio. Toutes précautions étant prises, poste de garde près des prisonniers du studio, aux escaliers, à toutes les issues, on attend le débarquement. Et, vers 3 heures du matin, on entend un premier coup de canon, écouté avec satisfaction.

Vers 4 heures du matin un ordre arrive de faire diffuser par le poste de radio le message du général Giraud. Mais tout était démoli ; contacts, fils. La réparation du matériel demanda du temps. Vers 7 heures du matin, tout était réparé, grâce surtout à Brisson, lequel avait en la matière quelques notions, quelques connaissances techniques. Sous menace du revolver on obligea l'employé de service à enregistrer sur disque le message, qui était dicté par Brisson. On prescrivit à l'employé de répartir les émissions selon un rythme simple : deux marches militaires, puis le message. Cet employé de la radio était au fond très sympathique aux agresseurs ; l'argument du revolver ne lui était pas indispensable. Au point que, beaucoup plus tard, ayant rencontré Tilly et l'ayant reconnu, il lui dit : « C'est vous qui m'avez arrêté et forcé à enregistrer le message Giraud ; j'ai conservé le disque et je vous le confie ». Ce disque est ainsi en la possession de Tilly ; et par là il est facile de vérifier qu'il a été établi par Brisson et non par un autre (ainsi que cela a été écrit en diverses publications).
Donc les émissions furent produites avec l'alternance indiquée jusqu'au moment où l'ordre parvint, du 26, rue Michelet, c'est-à-dire du P.C. de se retirer. D'ailleurs aussitôt on vit gardes mobiles, cinquième chasseurs et chars s'apprêter à prendre la position de force. Ceci se passait vers 11 heures.
Chacun se retira, mais après s'être donné rendez-vous pour 19 heures, au café du Grillon, rue Charras. Hélas, une bombe alliée tomba vers 18 h 15 sur la maison de Tilly, démolissant tout, tuant une personne amie et blessant Mme Tilly. C'était la dernière bombe lancée, et, à ce moment même l'armistice se signait entre les Alliés et les opposants français.

À noter qu'aucun des membres agissants du groupe qui prit possession du gouvernement général n'avait d'arrière-pensée politique. Ils agissaient en gaullistes : c'est tout. Chez eux la question ne se posait pas de travailler pour le roi, pour le communisme, pour aucun parti. En aidant les Alliés, ils agissaient simplement en Français.

Rapport de l'aspirant de marine Chesnay sur l'action du groupe B 4 dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942
Vendredi 6 novembre. - J'effectue ma dernière liaison entre R.Aboulker (rue Bab-Azoun), le capitaine Pilafort (rue de l'Industrie) et Tilly (café de la station).
"Préviens Tilly que les Bretons n'ont qu'à préparer leurs fesses, ça urge"(Pilafort dixit).
Samedi 7 - 10 heures : j'ai vu Tilly. Il est prévenu que l'opération a lieu le soir. Il en est heureux, car elle constituera pour lui comme pour nous, notre première revanche.
Détail embarrassant : Tilly ne possède pas la liste des hommes de son groupe. L'un de ses camarades, qui n'est pas pour le moment à Alger, a les adresses sur lui. On peut craindre par conséquent l'impossibilité de prévenir tout le monde au dernier moment. Il faut se débrouiller malgré tout. Tilly me charge de rassembler mes camarades. De son côté il fera le nécessaire pour trouver de nouvelles recrues. Je possède quelques camarades à bord d'un pétrolier au mouillage dans le port.
J'ai la certitude qu'ils me suivront car ils m'ont assuré plusieurs fois de leur concours si besoin s'en faisait sentir. Pas de chance, le pétrolier a appareillé le matin pour un autre port d'Afrique du Nord.
Sur le Ville d'Oran, où je pensais trouver des sympathies politiques, chacun se découvre tout à coup des crises de paludisme où de simples coliques à la pensée de prendre une part effective à l'affaire. Malgré tout on m'assure d'un certain appui moral qui ne coûte cher à personne.

Sur le Marigot, Piriou (3) me confirme la confiance que j'avais placée en lui, Bures et Lucas, élèves officiers qui ont déjà goûté les douceurs de « Barberousse » dans une petite histoire où j'étais moi-même mêlé, marchent évidemment avec nous. Malheureusement ils sont incorporés déjà dans le groupe Pauphilet qui s'occupera le soir de la « Villa des Oliviers ».
Sur l'Athos II les officiers ont tellement soigné leur propagande vichyste que mes tentatives sont vouées à l'insuccès.
J'aiguille alors mes recherches du côté de l'Association des étudiants réfugiés bretons, où je compte de nombreux camarades. Gourlan, étudiant en lettres, vieux Gaulliste du début, est depuis longtemps d'accord avec moi. Il y en a d'autres : Guermeur (4), étudiant en médecine, Espinay (5), étudiant en droit, Le Meur (6), Chemineau et Neveux, un camarade de Gourlan. Il leur donne rendez-vous à 22 heures, au bas de la Rampe Chassériau à l'Agha.
12 heures : je déjeune chez Tilly qui préfère annoncer la nouvelle à sa femme en ma présence. Une réflexion de Tilly donne l'esprit exact dans lequel nous marchions à l'époque : « Demain nous aurons 12 balles dans la peau ou nous serons décorés par le général de Gaulle ».

Dans notre esprit, il ne pouvait y avoir de débarquement allié sans le Grand Charles et le général Giraud ne pouvait être pour nous que sous ses ordres. C'était peut-être idiot, mais nous le pensions.
Dans la soirée, Tilly, Bufort et moi allons « emprunter » un camion à gazogène aux environs d'Alger. Nous avions négligé de prévenir le propriétaire qui est le patron de Tilly.
21 h 30 : panne de gazogène sur la route.
22 h 30 : nous arrivons finalement au lieu de rendez-vous, Rampe Chassériau. Nous y trouvons une quarantaine d'hommes parmi lesquels je reconnais mes camarades. Déjà l'arrivée du camion provoqua un certain remous chez ceux qui, jusqu'au bout, espéraient qu'il ne viendrait pas
: « colique », quelques-uns prennent congé de nous.
23 heures : nous avons laissé Bufort au garage Lavaysse. Il nous revient bientôt dans une voiture légère. Il est accompagné de Brisson, un camarade de la Faculté de chimie (étudiant réfugié).
Chacun reçoit son fusil et nous embarquons dans le camion. Nous sommes une trentaine.
Nous arrivons au gouvernement général. Malgré les précautions de chacun, le débarquement du camion s'effectue dans un grand bruit de ferraille. Tilly ne semble guère être au courant de la topographie des lieux, et nous nous tâtons le pouls pour choisir une porte plutôt qu'une autre. Le sort tombe sur une porte dont la partie supérieure est vitrée, Chemineau démolit la vitre à coups de crosse. Tilly passe au travers, trébuche et s'étale dans le vestibule. Son 92 qu'il tenait à la main part tout seul. Nous le suivons l'un après l'autre, en essayant de ne pas nous éborgner avec les engins encombrants que nous avons dans les mains. Neveux réussit tout de même à récolter un coup de crosse dans les gencives. Arrivés au haut du premier escalier nous sommes tous étonnés de nous retrouver si peu. Il y a là : Tilly, Brisson, Bufort, Guermeur, Gourlan, Le Meur, Piriou, Espinay, Chemineau, Neveux, un Monsieur « X » et moi. Le petit épisode de la porte d'entrée et le coup de feu inattendu ont provoqué la défection de 18 « durs à cuire » dont nous retrouvons les armes dans la rue.
Il y a beaucoup de portes, couloirs, escaliers au gouvernement général
.

Au hasard, nous pénétrons dans les bureaux, nous arrêtons ceux qui s'y trouvent et les entassons dans une salle sous la garde de Neveux. L'un des appréhendés, terrorisé à souhait, se fait un plaisir de nous servir de guide. Il nous conduit au central téléphonique où Brisson s'installe confortablement et commence à filtrer soigneusement les communications. Toute la nuit il répondra par des explications de la plus pure fantaisie aux coups de téléphone angoissés qui lui parviendront du 5e chasseurs, de l'amirauté ou d'ailleurs.
Nous continuons notre tour du propriétaire, récupérons les veilleurs, gardiens ou fonctionnaires un peu dans tous les coins.
À 1 h 30, nous sommes maîtres de la place. Un détail qui a sa valeur :Mme Tilly avait eu la gentillesse de nous préparer un poulet froid et quelques bouteilles (pour arroser la prise de possession).Malheureusement le chauffeur du camion qui nous avait amenés a pris le large en emportant poulet et bouteilles...
2 heures : Monsieur « X », qui ne nous donne pas l'effet d'être très à l'aise, propose ses services pour aller chez lui nous procurer du ravitaillement. Nous accepterons, sachant fort bien qu'il cherche une façon élégante de s'éclipser.
3 heures : nous restons 11 du groupe B. 4. Nous avons récupéré une cinquantaine de fusils un peu partout et nous les avons alignés le long des couloirs. Les cartouches sont entassées dans la salle d'émission radiophonique. Nos prisonniers ont accepté leur sort avec toute la philosophie nécessaire. La plupart dorment en long et en travers. Les autres se taisent, à part le concierge à qui nous parvenons difficilement à interdire l'usage de la parole.
C'est l'heure à laquelle nous parviennent les premiers coups de canon.
Ils nous confirment le débarquement au sujet duquel beaucoup d'entre nous restaient sceptiques. Un 75 du fort l'Empereur claque au-dessus de nos têtes. Bufort est mal à l'aise. Il manifeste le désir d'aller rassurer sa femme à Belcourt. Nous ne le retenons pas. Nous ne sommes plus que dix. Nous recevons la visite de Raphaël Aboulker. Tous les objectifs sont atteints, paraît-il. Par ailleurs le débarquement s'effectue d'une façon satisfaisante.

4 heures : on nous fait parvenir un message du général Giraud. Il nous faut le faire passer à la radio. Malheureusement il nous manque « la manière de se servir de cette radio ». Un ou deux spécialistes des émissions arrivent à point à la porte d'entrée. Devant leur insistance à voir ce qui se passe à l'intérieur, nous les introduisons sous bonne garde. Bon gré, mal gré, ils vont remédier à notre incompétence technique.
Je crachote dans le micro et compte péniblement jusqu'à 33 pendant la mise au point. Brisson qui a une voix agréable, qui ne porte pas la moustache, mais la barbe, est le plus apte à représenter le général Giraud. Sa voix est enregistrée sur disque et c'est ce disque que nous ferons passer toutes les demi-heures entre quelques airs de marches militaires. Il est amusant de remarquer que le premier disque qui nous tombe sous la main (le seul parmi ceux que nous avons trouvés ayant un caractère militaire) est une marche italienne. Peu de gens s'en sont rendu compte. Plus tard, après avoir appréhendé un monsieur du gouvernement général qui précisément possédait la clé du coffre à disques, nous avons pu découvrir la marche Lorraine, le chant du Départ, etc.
6 heures : Guermeur a été rappelé en renfort à un autre point de la ville. Nous sommes neuf désormais : trois qui s'occupent de la radio, un qui s'occupe du central téléphonique, deux qui gardent les prisonniers dont le nombre s'accroît de plus en plus, trois qui contrôlent les entrées. Nous commençons à nous sentir en nombre insuffisant. Il y a des attroupements dans la rue. De nombreuses personnes, fonctionnaires du gouvernement général, membres de la sécurité militaire, officiers de toutes les armes, essaient de passer la porte que nous gardons. Les uns insistent et vont partager le sort de ceux que nous gardons déjà. Les autres exigent des explications et sont aiguillés, par nos soins vers le commissariat du Xe arrondissement où Raphaël et ses amis leur font subir un sort analogue.
Nous sommes obligés de faire très attention car les fusils alignés un peu partout dans les couloirs pourraient fort bien servir contre nous si les gens que nous arrêtons avaient seulement un brin de culot.
D'autant plus que parmi eux il y en a qui portent l'insigne de S.O.L.

Vers 7 heures, nous entendons une pétarade à proximité. C'était, je suppose, les automitrailleuses du 5e chasseurs qui tiraient sur la poste. Nous manquons de liaisons. Nous ignorons d'une façon totale ce qui se passe ailleurs, tant au point de vue du débarquement, au sujet duquel nous parviennent les bruits les plus divers, qu'au point de vue de nos camarades des autres groupes, dont nous ne connaissons pas la situation exacte.
8 heures : M. Saintblanca et Raphaël Aboulker arrivent plutôt congestionnés : « les automitrailleuses du 5e chasseurs tirent sur la poste ». « Dreyfus a été tué, ne restez pas là, vous allez vous faire coincer inutilement ». Considérant que le poste de radio garde malgré tout une certaine importance et qu'il faut que le message de Giraud soit entendu le plus longtemps possible, nous restons sur nos positions. (Notons que Fanfan Aboulker, au commissariat du Xe arrondissement, avait l'air d'être beaucoup moins impressionné que son frère et qu'il était partisan de tenir encore).
9 heures : Raphaël Aboulker revient à la charge avec Saintblanca : « les automitrailleuses montent par ici. Vous ne pouvez pas résister.
Les autres sont arrêtés, il n'y a plus personne rue Michelet ».
Raphaël Aboulker étant dans le secret des dieux et nous par contre ne l'étant pas, nous jugeons inutile de faire des martyrs et d'être plus royalistes que le roi. Nous avons d'ailleurs été encouragés par cette réflexion plutôt curieuse de Raphaël : « Vous les p'tits gars qui êtes en civil vous ne craignez rien, rentrez chez vous tranquillement.
Quant à moi qui suis un militaire, je pars en voiture avec Tilly. »
Nous quittons le gouvernement général après avoir conseillé à l'un de ceux qui étaient arrêtés de continuer à passer le disque régulièrement et avoir dit que nous reviendrons plus tard pour voir s'il l'avait fait. C'est pourquoi après notre départ le message du général Giraud a été entendu encore pendant un certain temps.

Une heure plus tard, rue Charras, je rencontre Saintblanca et Tilly et ni l'un ni l'autre n'avaient l'air de savoir que nous avions encore des camarades au commissariat central. Il a fallu attendre quelques jours pour que j'apprenne qu'ils avaient tenu jusqu'à 4 heures.
Mes camarades seront d'accord avec moi pour confirmer ce rapport.
Signé : Chesnais
Aspirant de marine, à bord de l'aviso Commandant Dominé des F.N.F.L.
Les historiens ou chroniqueurs du 8 novembre 1942, « Jour Premier de la Libération », ainsi que le qualifie Gabriel Esquer, indiquent que l'occupation du gouvernement général d'Alger fut le fait du « groupe des Bretons ».
En réalité les jeunes Bretons d'Alger se trouvaient répartis en d'autres actions de cette nuit mémorable.
Initialement d'ailleurs le groupe des assaillants de cet établissement, le plus important de la ville, n'avait rien de spécifiquement breton. Il ne prit ce caractère que progressivement.
Quelques jours plus tard, je demandais à Tilly, le chef de l'équipe :
- parmi ceux qui furent fidèles, y avait-il des Bretons ?
- tous sauf un qui était de Paris ;
- parmi ceux qui eurent peur, combien de Bretons ?
- aucun.

Docteur A. Vour'ch

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 89, juin 1956.

 

Témoignage de Jean Roshem
Témoignage de Monsieur Jean ROSHEM, du groupe du Capitaine Pillafort sur la neutralisation du 19ème corps d'armée, Place Bugeaud à Alger.
Nous avons reçu ce document original qui date de 1944,signé de l'auteur , grace à l'aimable concours de Madame TAOUS

 


Commentaires (4)

1. gozlan lucien Dim 28 Juil 2013
Pour faire suite a mon commentaire, il serait bon que les enfants ou meme petits enfants en ligne directe de tous ces heros resistants dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942 a Alger juifs et non juis, tous unis dans un meme ideal de liberte republicaine et qui ont aide les allies a entrer dans la ville presque les mains dans les poches placent les souvenirs de leurs peres ou parents.
Il serait bon que des temoignages de ces personnes dont les noms sont connus dans la communaute juive d Alger ainsi qu une suite de noms etablie par monsieur Henri d Astier de La Vigerie.
Voici quelques noms choisis au hasard ....ABOULKER, TEMIME, JAIS, GOZLAN, SEBAOUN, ALBOU, AYACHE, BOUCHARA, BENHAMOU, BELLELOUM, BELADINA, SERFATI, BELAICH, CHEMLA, CHICHE, GHENASSIA, FELUS, FREDJ, JAIS, FITOUSSI, LOUFRANI, FAIVRE, HABIBOU, KARSENTY, COHEN ADAD, MESGUICH, MORALI, OUALIDSULTAN, SONIGO, TIMSIT, BESAID, TIBIKA, TAOUSS, ZARRAFFA, et d autres noms de la liste de monsieur d Astier de La Vigerie, LE MEUR, ARBAUD, BRISSON, BONNIER DE LA CHAPELLE, BURES, CHEMINEAU, CHESNAIS, ESCANA, ESPINAY, GINESTET, SVILINSKY, ESCOUTE, THUBER, GENDRON, et beaucoup d autres noms encore, afin que tous ces resistants heros d un Haut fait de Resistance dans la Resistance Francaise pendant la 2eme guerre mondiale ne soient plus LES OUBLIES DU 8 NOVEMBRE 1942 A ALGER.

2. gozlan lucien Dim 28 Juil 2013
Dans ce temoignage de monsieur Jean Roshem qui nous a ete remis par la fille de mauriceTAOUSS, il est mentionne quelques noms de tous ces resistants qui ont participe a neutraliser tous les postes de commandements civiles et militaires pour aider les allies a debarquer a Alger, presque les mains dans les poches.
Le temoignage de monsieur Roshem date du 7 novembre 1944 soit 2 annees plus tard se termine par des questions en attente de reponses..????
Oui monsieur Roshem, les Allies ont trahis les engagements conclus avec les resistants a la reunion de Cherchell.
Oui monsieur Roshem, les resistants juifs se sont sentis Outres et Dupes et par le pouvoir antijuif des vichyssois et des Allies americains et anglais.
Oui monsieur Roshem, les resistants juifs ont frole le peloton d execution apres le 8 novembre 1942 car ils se sont retrouves pieds et poings lies face aux autorites petainistes toujours en place au soir du 8 novembre 1942.
A un lachage de tracts sur un defile des troupes alliees et de l armee d Afrique a la rue d isly le 3 decembre 1942 , des resistants gaullistes sont arretes, certains resteront une dizaine de jours en prison, monsieur Emile ATLAN, les freres HABIBOU, et d autres chefs de la salle Geo Gras passeront en correctionnelle et seront dans le couloir de la mort avec pres de 25 resistants avec eux.
Il avait ete convenu avec l approbation du general Eisenhower et des pouvoirs du haut commandement en Afrique du Nord dont l Amiral DARLAN s etait autoproclame Chef, que tout acte de rebellion devait etre considere comme un acte seditieux et sanctionne par un tribunal militaire.
Monsieur Emile ATLAN et 27 de ses compagnons de resistance, places dans les couloirs de la mort, ont echappe a la peine capitale grace a l intervention d une compagnie canadienne qui est intervenue lors de l audience et sous la menace de leurs armes ont fait liberer les soi-disants conjures pour les deporter dans un camp de travail pres de la frontiere Tunisienne.

3. Paule Atlan Sam 27 Juil 2013
Ce témoignage est très émouvant, il nous fait vivre en direct cette nuit du 7 au 8 novembre que mes parents nous ont raconté mille fois mais il y a si longtemps...C'est formidable de l'avoir publié. Je retrouve leurs amis, Roger Jaïs, André Temime, Raphaêl Aboulker.
Je rejoins le commentaire de mon frère sur le 11 rue Bab-Azoun où nous habitions, dans le même immeuble que la famille Aboulker. Beaucoup d'armes provenaient du magasin tenu par ma mère rue de Chartres et fermé avec les lois raciales.
Mais ce sont des détails, le plus important est de lire ce témoignage.

4. Pierre ATLAN Ven 26 Juil 2013
Je viens de lire le témoignage de Jean Roshem... tres intéressant sauf qu'il y a des erreurs : 11 Rue Bab Azoun, dans l’appartement ou il est venu ce n’était pas chez André Temine, qui avait son Magasin mais Chez W+Emile et Florence Atlan, le revolver qu'il a reçu provenait du magasin d'armes de mes parents, c'était un 7,65.

Bien Amicalement

Pierre Marc Atlan
 

En cette nuit du 8 novembre 1942, âgé de 4 ans et demi, j’ai pour la première fois pris conscience que c’était la guerre.
Trop jeune je n’ai pas connu les mesures discriminatoires vis-à-vis des juifs, comme, pour un enfant le renvoi des élèves juifs des écoles publiques.
J’habitais un petit immeuble de 3 étages au 19 Avenue du Frais Vallon, qui après la guerre est devenue Avenue du Général Verneau.
Il était situé à l’angle de cette avenue et de la rue Suffren, exactement en haut des escaliers qui terminaient cette rue. Un peu plus bas, du même coté de l’avenue se trouvait le cinéma Plazza, et un peu plus bas l’usine Bastos, fabrique de cigarettes. Ces précisions n’ont d’intérêt que pour ceux qui se souviennent du quartier de Bab - El – Oued.
Dans la nuit du 8 novembre il y a eu une alerte insolite : l’Algérie était soumise au régime de Vichy et connaissait la même « tranquillité » que la zone non occupée de la France métropolitaine.
Cette alerte inattendue a réveillé, bien entendu, tout le monde et dans de telles circonstances l’inquiétude est source de multiples questions auxquelles on cherche avec angoisse des réponses.
Je suppose que la radio ne devait diffuser aucun communiqué et tout naturellement les voisins ont ouvert leurs portes pour entrer en contact les uns avec les autres.
Tous ressentaient le besoin de se mettre en sécurité et surtout de ne pas rester dans les appartements.
L’immeuble n’avait pas de cave et les voisins se sont rassemblés dans la hall d’entrée. Chacun apportait sa chaise pour se préparer à une longue veille.
Il y avait 13 appartements et la loge du concierge. Sur le total il y avait 5 familles juives, mais dans le hall, malgré les lois en vigueur, juifs et non juifs étaient mêlés. Il est utile de souligner qu’il n’y avait pas à Alger de quartier juif, ni même de quartier à majorité juive. Le mélange était total.
Mais que faire toute une nuit, ensemble, sinon d’imaginer ce qui se passait.
Je me souviens vaguement des sujets abordés : une attaque aérienne semblait improbable. De qui viendrait t’elle ?
L’idée d’un débarquement a été évoquée. Mais là encore quel pays l’aurait tentée ?
Les Allemands étaient loin de la Méditerranée. Les Italiens alors ? Mais ils étaient d’accord avec le régime de Vichy.
Il ne restait que les Américains ou les Anglais ! Mais d’où viendraient-ils ? Personne n’avait assez d’information sur leur position géographique pour penser que cette hypothèse était possible.
Les juifs, je l’ai su plus tard, s’inquiétaient d’une éventuelle opération allemande ou italienne.
Mes parents m’ont raconté, plus tard, que le concierge, sympathisant actif de Vichy est parti discrètement pour se renseigner.
De retour, au petit matin, il ne portait la francisque, décoration décernée par le gouvernement de Vichy. Je ne sais pas s’il a donné des informations ou s’il est resté muet à ce sujet.
A lever du jour, je me souviens parfaitement, avoir vu un tank américain descendre rapidement l’avenue. J’étais sur le pas de la porte de l’immeuble et c’était la première fois que je voyais un tank engagé dans une opération.
Chacun a repris sa chaise et est remonté dans son appartement. Je suppose que du coté juif, l’espoir est revenu.
Ce bref récit n’a rien d’historique et comme beaucoup je n’ai appris que des années plus tard ce qui c’était vraiment passé. Comment l’opération TORCH a été longuement préparée par des résistants, en majorité Juifs, les discrètes séances de préparation avec le consul américain Murphy et la manière dont les différentes sections ont réussi à maitriser les centres de communication et les centre administratifs, militaires et policiers, avec quelques pertes humaines, mais avec un succès remarquable.
Mes parents, eux-mêmes, ignoraient tout de cette opération, bien que deux de mes oncles aient été actifs dans cette organisation : M. Fernand AICH et M. Gil TUBIANA.
Le premier, M. Fernand AICH, a été assassiné en juillet ou août 1956 par le FLN, et le second, M. Gil TUBIANA, s’est engagé dans l’armée anglaise et sa voiture, une traction avant a été réquisitionnée, et a été utilisée pendant toute la durée de la guerre. A sa démobilisation, la voiture a été récupérée par la famille et c’est mon père qui en a pris possession avec l’accord de la famille. Elle avait été achetée par mon Grand Père maternel, M. Sylvain TUBIANA, citroëniste inconditionnel. Mon père a ensuite été aussi un citroëniste tout aussi inconditionnel.
Dans cette glorieuse opération de débarquement on voit apparaître un lieu qui paraît prédestiné :
Le débarquement français de 1830, et celui des Américains et Anglais en 1942 se sont déroulés sur le même site : la plage de SIDI FERRUCH, à 30 Kilomètres à l’ouest d’Alger.
REMARQUE : Ce bref récit n’a bien entendu rien d’historique ; j’ai simplement relaté les souvenirs très limités d’un enfant sur cet évènement capital.

 Marseille le 25 Juin 2012 – 5 Tamouz 5772

     Bernard REBOUH

 

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       Commentaires (3)

1. JAIS Mer 24 Oct 2012
Je suis Paul JAIS
le fils de Maurice et Yvette JAIS
Ma grand mère Irma Tubiana.
Si mes souvenirs sont bons je pense que nos familles être proches
Auriez vous l'amabilité de me joindre.
Paul

2. Paule Atlan Sam 13 Oct 2012
Mon père a été assassiné 15 jours après Fernand Aïch, ami à lui et comme lui commerçant de la Basse Casbah et ancien Résistant. Tous deux parce que juifs et anciens Résistants.Il faudrait relier ces témoignages divers autour du 8 novembre et de l'Opération Torch pour pouvoir tout lire à la suite.

3. Gozlan lucien Mer 03 Oct 2012
Merci monsieur REBOUH pour votre temoignage personnel pour la matinee du 8 novembre 1942 a votre domicile a la rue General Verneau a Bab el Oued a Alger.

 

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