Témoignage de Maurice ANANOU concernant son père
Mon père Joseph, Gilbert ANANOU né le 19 décembre 1922 à AUMALE a fait partie du groupe de "Partisan-francs tireurs" Juifs qui a aidé au débarquement des anglo-américains à Alger le 8 novembre 1942.
Il a fait partie du groupe du capitaine PILAFORT qui est tombé à ses cotés lors de la prise de la Grande Poste et du commissariat Central (Boulevard BAUDIN)
Au cours de cette nuit, ils s’étaient donnés rendez vous rue Michelet chez les Aboulker.
Il a failli être fusillé par les gardes mobiles au poteau de cette même Grande Poste quand un officier a dit que « Des français ne pouvaient pas tirer sur d'autres français". Je ne sais combien de fois mon père m'a rappelé le message tant attendu "Robert arrive.... ».
Il a été très discret sur son enfermement à la suite de ses évènements dans une prison du le sud de l'Algérie. Je sais qu'on lui a demandé au cours de ce séjour s'il voulait bien donner la Croix de guerre ou la médaille qu'on lui destinait pour cet évènement, pour l'attribuer à quelqu'un d'autre qui avait fait de grosses bêtises, ce qu'il a accepté parce qu'il avait fait ce qui devait être fait.
Le général Murphy avait déclaré dans un discours pour décrire les opérations militaires en Afrique du NORD, que cette action réussie par des RESISTANTS dans l’OPERATION TORCH, avait donné la possibilité aux forces alliées de débarquer sur les plages de Sidi Ferruch et ont ainsi changé le cours de l’Histoire de la seconde GUERRE MONDIALE !!!!!!!
Parmi les noms que citait Monsieur Gozlan, je reconnais celui de mon oncle Joseph Bouchara, mais aussi son frère Fernand. Ils étaient copains avant de devenir beau frère, ceux de Sam BENDAVID dont les enfants étaient en classe avec moi à Alger et qui sont partis en1962 en Israël, Albert AZOULAY (c’est le même cas) qui habitait le même pâté d'immeubles que nous à ALGER et m'accompagnait avec ses filles à l’école de la rue Lazerges, Raoul COHEN ADDAD qui fut plus tard contrôleur du fisc et fit passer de mauvais moments à mon père après guerre et encore d'autres...
(Isidore SENEGO, Si mon père n'est peut être pas dans la liste des citations c'est peut être parce qu’iln'avait pas voulu de cette médaille et qu'un autre en avait bénéficié.
Il ne faut pas oublier qu'ils avaient que vingt ans, et quand on pose la question "Qu'avez vous fait de vos vingt ans?" j'aurai aimé pouvoir répondre comme eux.
On peut aussi remarquer s’ils étaient 300 à 350, ils devaient représenter la majorité des Juifs de cette classe d’âge.
Ils se connaissaient tous et étaient tous des copains, ils faisaient partie des juifs algériens de cette époque.
J’étais enfant, mon père était un bon conteur, j’aimais l’Histoire et il faisait partie de l’Histoire c’était mon héros.
Néanmoins, ils sont restés très traumatisés de n’avoir pas retrouvé immédiatement leur nationalité française et que, pendant longtemps après le débarquement il a eu une carte d’identité avec la mention « Juif indigène »..
Puis ils ont été enrôlés dans la l’armée Française.
Mon père dans une unité du train, où il a été un temps le chauffeur du maréchal de Lattre de Tassigny qui l’a récusé par ce que mon père, se rongeait les ongles et que le maréchal ne pouvait accepter de se faire conduire par un chauffeur qui ne conduisait que d’une main et risquait de mettre en danger la vie de son auguste personne.
En 1943, Il est rentré dans Tunis et il a toujours gardé le souvenir de l’accueil mémorable que lui ont réservé les Juifs qui l’ont invité dans leur famille pour Pessah.
Puis le débarquement à Naples, et mon oncle à Monte Cassino où les combats semblent avoir été aussi horribles que ceux de la trouée de Belfort, où il était brancardier.
Après l’Italie, ce fut le débarquement en Provence, où il fut le chauffeur du général de Monsabert, la remontée rapide de la vallée du Rhône jusqu’à Dijon où il a été l’aide de camp du général de de Larminat. Lors de la libération des villages, ils étaient magnifiquement accueillis. Pour lui, ce fut la découverte de la France.
Ce fut aussi, les durs combats de Belfort et de la plaine d’Alsace, ou de nombreux tabors périrent.
Et, aussi, la petite histoire de Vesoul où mon père s’était fait tiré le portrait par le photographe de la ville qui exposait sa photo dans sa vitrine. Son petit frère passant par là avec son régiment le reconnu dans la vitrine, ainsi ils purent se retrouver après plus de deux ans où ils avaient bourlingués sans nouvelles l’un de l’autre.
Ce fut, l’entrée en Allemagne, Stuttgartjusqu’au lac de Constance où il assista au plus grand feu d’artifice le 8 mai 1945.
Une virée en bagnole de Berchtesgadenà Berlin, dans la Mercédès d’Hitler en consommant 50 l/100KM.
Le meilleur moment de ce périple, l’armée française qui réunit tous les Juifs et leur offre le repas de Rosh Hashana ou de Kipour en septembre 1945 à l’Aubette de Strasbourg.
Il a terminé la guerre comme première classe titre honorifique de l’armée française comme maréchal de France
Pour moi, le 8 novembre c’était une avenue par laquelle je passai chaque jour pour aller au collège.
Sidi-Ferruch, c’était une plage immense plage où on pouvait rouler en voiture qu’on garait face à la mer et que quelques fois il fallait désensabler, c’était une paillote fait de planches et de canisses avec des toilettes des plus sommaires.
C’était aussi un promontoire sur lequel s’élevait un immense parallélépipède blanc qui rappelait le débarquement des troupes françaises en Juillet 1830 et plus loin le vivier ou on venait déguster des moules fraîches.
Plus tard quand la situation de mes parents s’améliora, ce sera le petit hôtel-restaurant où nous allions pour prendre nos premiers bains de la saison à la pentecôte.
Il y a une bonne description de l’opération TORCH sur le site Wikipedia, je dispose de cassettes réalisées sur cette première victoire historique des alliés. Très récemment, il y eut une émission sur l’opération TORCH qui évoque les raisons pour lesquelles cette victoire n’a pas été retenue par l’histoire de la résistance à cause des gaullistes.
Lors de ma visite au Mémorial de la SHOAH à Paris, les massacres de juifs sont bien répertoriés ainsi leurs faits de résistances
Je me souviens d'avoir vu une salle qui rappelait les principales étapes historiques de la Seconde Guerre mondialeI, et si j'ai bonne mémoire sur tous les théâtres d'opérations avec comme première victoire El-Alameinpartie Est de la tenaille qui devait évincer l'Afrikakorpsd'Afrique, l'autre partie à l'ouest était le débarquement des anglo-américain au Maroc et en Algérie.
La fin de cette bataille se situant en Tunisie, je n'ai rien trouvé concernant cette première victoire des alliés de surcroît grâce à des groupes de résistants juifs qui n’étaient pas directement affiliés au gaullisme, j'aurai espéré que dans ce lieu on puisse trouver une trace d'un tel évènement, peut être est ce parce qu'il y a eu très peu de morts ?
S'il y avait peu d'allemands en Algérie et au Maroc il y avait des italiens. En revanche, les allemands étaient bien présents en Tunisie et ont déportés des juifs vers les camps de concentration allemands et polonais, d'ailleurs leurs premières victimes sont des juifs d’Europe de l'Est qui avaient réussi à échapper à leurs persécutions.
Un de mes voisins ancien de la 2ème DB, Juif tunisien a quitté la Tunisie pour rejoindre par le désert l'armée Wavell en Lybie. Il m’a passé un livre écrit par un monsieur Guez représentant de la communauté juive qui a négocié avec les allemands. Quand on lit ce témoignage, clairement on s’aperçoit qu’ils ont mis en place le même processus qu’en Europe continentale qui a amené aux mêmes réactions des représentants juifs.
Il ne faut donc pas dire: "Que Yad Vashem s’est imposé comme règle de ne récupérer que les persécutions nazies ou sous occupation de l’Allemagne nazie".
L’Afrique du Nord a connu l'occupation allemande et leurs persécutions. Que le musée de la Shoah ait oublié l'Afrique du Nord, je peux le comprendre face à l'incommensurable désastre de l'Europe Continentale, mais on ne peut pas ne pas le faire savoir.
On peut mettre en parallèle le soulèvement du ghetto de Varsovie quelques mois plus tard, de janvier à Pâques 1943. Où sont les similitudes et les différences de ces actes de résistance : ils étaient en majorité Juifs et combattaient le nazisme, dans un cas nombreux ont péris, dans l’autre presque tous ont survécu, dans un cas c’était un combat de désespoir dans l’autre celui de l’espoir et qui ne pouvait mieux porter l’espoir que les Etats-Unis d’Amérique
"Nous ne nous battons pas pour sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d’ici. Nous voulons sauver la dignité humaine." Arie Wilner, combattant du ghetto de Varsovie.
J'aimerai qu'on rappelle à tous ceux qui disent "les Juifs n'ont pas résisté et se sont laissés massacrés" qu'ils ont été présents dans de nombreux groupes de résistance, qu'il y a eu des révoltes dans des camps et qu'il y avait 3 500 000 juifs enrôlés dans les forces alliés occidentales et orientales et sur tous les théâtres d’opérations (il existe a d'ailleurs un très bon court métrage sur ce sujet).
Mar 29 Jan 2013
Commentaire additif de Maurice ANANOU:
Bonjour Monsieur ATLAN,
Tout d'abord merci pour votre travail.
Je n'ai pas pu vous répondre plus tôt car j'étais auprès de ma mère à Nîmes et je n'avais que mon Smart phone
Votre description du port d'Alger, m'a remémoré les après midi passées au square Bresson sur les petits ânes entre l’ascenseur du port et l'opéra d'Alger, j'ai aussi la mémoire du célèbre "TANTONVILLE" où nous avons du déjeuner une fois le premier janvier de l'année de notre départ, et aussi l'"OASIS" pas très loin où j'avais assisté à la Bar mitsvah d'un de mes cousins. La rue BAB AZOUN et sa pharmacie où était placardée en haut à droite une affiche d'un bébé Cadum.
Cela m'a fait très plaisir de lire des mots agréables sur Monsieur Maurice OUALID, je ne savais pas qu'il était aussi connu! C'était notre voisin, il m'accompagnait à l'école Lazerges avec son fils Philippe (j'ai entendu dire qu'il était médecin à Marseille) j'adorais partir avec lui, il nous faisait toujours rire avec les filles d'Albert Azoulay, Martine et Claude.
Ce déplacement m'a permis de retrouver une carte de Compagnon de la Libération française du 8 novembre 1942.
Elle date d'avant 1962 puisqu'on y voit encore notre adresse à Alger dont je vous joins une copie.
Vous pourrez remarquer son numéro d'inscription(206) et le groupe auquel mon père appartenait 19éme CA ce qui doit avoir un sens.
Cette carte est signé du secrétaire général de l'association Raoul Cohen Hadad que je vous avez décrit dans mon travail de mémoire et si je me souviens il était petit.
Voilà si à l'occasion, je retrouve d'autres documents je vous le ferai savoir.
Cordialement.
Commentaires
Bravo monsieur ANANOU pour ce merveilleux témoignage de votre papa.
Oui tous ces résistants n ont jamais reçu les honneurs de la France sur l action héroïque qu’ils ont mené .....Ils ont réussi a neutraliser la totalité des pouvoirs et militaires et administratifs civils et ainsi ridiculiser les plus hautes autorités du pouvoir pétainiste au péril de leurs propres vies
Merci pour votre excellent témoignage
Merci beaucoup, monsieur ANANOU,
Je remarque que votre père allait avoir 20 ans, et comme la plupart de tous ces héros. Et sans eux, très certainement que le débarquement n aurait pas pu se réaliser dans des conditions favorables et au pire, avec des combats sanglants entre les adversaires. Les américains ont perdu sur le débarquement d Alger, 98 péniches de débarquement sur 108 utilisées, non pas a cause de combats avec l Armée d’Afrique mais c est l état épouvantable de la mer qui a rendu toutes ces embarcations inutilisables.
Alors, bien des commentaires concluent qu’il était fort possible que le débarquement aurait pu échouer sans cette neutralisation des résistants.
Merci encore pour votre précieux témoignage.
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