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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

La tradition est de jeter un peu du contenu d’un verre d’eau devant la porte lors du départ d’un être cher

Pour comprendre la signification de cette coutume, il faut savoir que, chez nous, le lieu qui est le plus protecteur pour l'individu qu'on aime est la maison (ou l'appartement) où l'on vit.

Aussi, lorsqu'un être cher quitte cet endroit pour un voyage quelconque, il est supposé aller vers l'inconnu, donc vers le danger. Or, ce dont un être humain ne peut se passer, c'est boire de l'eau.

LE HAMMAM

 Avec l'aimable autorisation de Claude S.

 Extrait de son blog « les souvenirs de Claude » 

  http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LesConstantinois/souvenirs_claude.htm

 Le hammam n’était fréquenté que par des femmes arabes –la majorité – et juives.
Dans ma petite enfance, j’avais le bain maure en horreur. Celui que j’ai connu ne correspond absolument pas du tout à l’image idéalisée, esthétisante, érotisante, aseptisée mais fictive et occidentalisée qu’en donnent les peintres dits « orientalistes ».
Une fois poussée l’énorme porte en chêne avec un anneau métallique, poisseuse d’humidité, on était pris de suffocation dans une vapeur opaque, trop chaude.
La vapeur d’eau bouillante s’élevait d’une immense cuve sans cesse alimentée par des « négresses »* avec des baquets d’eau froide puisée dans une autre cuve.
Les hautes voûtes sombres renvoyaient en écho un brouhaha continu. Des trous dans la longue voûte en berceau laissaient filtrer un jour avare et, en entrant, on distinguait à peine les groupes de femmes assises sur des tabourets bas qui émergeaient peu à peu du brouillard. Dans la lumière blafarde, des ombres de femmes nues parfois couvertes d’un simple pagne, « foutah » souvent rouge à bandes noires, circulaient fantomatiques.
Un cercle de l’enfer de Dante !
Des femmes noires sans âge, énergiques, très maigres, aux membres noueux, nous frottaient le corps avec de l’alfa et du savon et la tête avec du « ghassoul », cette argile minérale naturelle, saponifère, extraite des montagnes de l’Atlas marocain, devenue aujourd’hui à la mode, ou du savon de Marseille puis rinçage à l’eau vinaigrée. Elles nous briquaient, leurs mamelles sèches pendantes oscillant à chaque secousse.
Des femmes s’épilaient avec une pâte verdâtre, soufrée, malodorante dont elles s’enduisaient tout le corps.
Les chevelures étaient recouvertes d’une pâte de henné qui coulait en traînées rouges sur les fronts et les cous dégoulinant de sueur.
On glissait sur un sol gras et mouillé qui charriait en permanence de l’eau savonneuse et des touffes de cheveux. L’humidité rongeait tout. Des odeurs de soufre et d’égout flottaient partout.
Mais j’appréhendais surtout le rinçage final et l’eau puisée dans un baquet de bois fumant déversée sur ma tête avec une « tassa » en cuivre. J’avais du savon et de l’eau plein les yeux et le nez. Je pleurais, je me débattais, mais la femme me tenait en étau entre ses genoux.
Plus tard, adolescente et adulte, j’ai aimé le bain maure et la sensation d’être lavée de tout, purifiée, ressourcée après une séance d’intense transpiration et de rinçages abondants répétés. Je me suis même prêtée parfois aux massages de ces femmes, malheureuses esclaves venues de l’Afrique subsaharienne, qui pratiquaient aussi les massages, à même le sol, après avoir balancé, d’un geste ample, un plein seau d’eau, pour faire place nette.
Je ne réalise qu’aujourd’hui la dure condition de ces femmes, contraintes d’accepter ce « gagne-misère » qui desséchait leurs chairs et momifiait leur peau noire.
Après la guerre, de petits bassins de pierre individuels, parfois avec robinetterie, avaient remplacé les baquets de bois cerclés de mon enfance. L’espace avait été un peu compartimenté et, me semble-t-il, l’hygiène mieux respectée.

Note :* Négresse : ce vocable ne doit pas choquer dans ce contexte. Le vocabulaire évolue comme les réalités et les mentalités. Martin Luther king lui-même est passé du terme « negro » à celui de « black »(avec le « black power ») et pourtant en latin « niger » ne signifie que « noir », mais « nègre » est resté connoté « esclavage »et «  trafic triangulaire »
.

 

LA SOUCCAH 

 

par Claude S.

 

 

A la fin de l’été, sur la terrasse, dans une grande excitation joyeuse, nous célébrions Soukot « la fête des cabanes »qui commémore la vie précaire des Hébreux errant, après la sortie d’Egypte, sous des  « nuées de gloire », dans le désert, pendant quarante ans. « Colonnes de nuées, le jour, et de feu, la nuit ».Précarité absolue de l’homme et protection absolue de Dieu.
« Dans la souccah, tu demeureras 7 jours ». Ainsi nous est-il ordonné (lévitique 23, 42.).
La préparation était fébrile. Les jours précédents, des Arabes circulaient dans le quartier juif avec des charrettes tirées par des mulets, pleines de roseaux et de branches de palmier. On marchandait et on achetait.
Les adultes édifiaient avec de  très longs roseaux  une grande  cabane. Les branches de palmier qui recouvraient le toit devaient laisser apercevoir le ciel : deux tiers de branchages et un tiers de ciel.
Grand-père venait inaugurer la souccah en chantant le « Hallel » et en agitant le « loulab » dans les quatre directions et vers le haut et le bas  pour signifier que Dieu est partout. Le « loulab » est une branche de palmier garnie de feuilles de saule et de myrte. Dans sa main libre, grand-père tenait un cédrat qu’il respirait  profondément en demandant la protection divine.
Parmi d’autres, l’une des explications est que chacune des quatre espèces : palmier, cédrat, myrte, saule, est le symbole d’une attitude des Juifs à l’égard de l’étude de la Torah et de la pratique des « mitsvot ». L’étude de la Torah est comparée au goût et l’accomplissement des « mitsvot » à l’odeur : la datte : goût sans odeur, le cédrat : goût et odeur, le myrte : odeur sans goût, et le saule : ni goût ni odeur. Et le « loulab »est le symbole du peuple juif au-delà de toutes les différences dans la pratique- ou non- de la religion. Je ne me souviens pas que grand-père ait souvent pris là ses repas avec nous. Probablement, les prenait-il seul en revenant  de la synagogue tôt  le matin et le soir.

 


Nous,  enfants, ne quittions plus la terrasse.  Dans  la vaste cabane, où table et chaises avaient été installées, nous faisions de copieuses « goûtettes »,aussi joyeuses que celles que grand’mère et ma  tante Mireille organisaient pour nous, le soir de Pourim, avec un service de table miniature en verre bleu à relief « une dinette » dans le « coin du piano ». La banquette cannée du piano tenait lieu de table, et de petits tabourets bas en bois blanc paillés, de sièges. Nous avions même de petits kanouns avec des braises sur lesquels nous réchauffions nos minuscules marmites de petits pois avec boulettes de viande.
A la fin de la semaine de soukot, après le démontage de la cabane, grand’mère récupérait des roseaux pour en faire des brochettes qui marquaient la fin de la célébration, et aussi, pour nous enfants, avec la rentrée des classes, la fin des longues vacances d’été –trois mois- et des jeux sur la terrasse.
Cette fête qui termine un cycle liturgique avec la fin de la lecture annuelle de la Torah, était pour nous, écoliers, aussi la fin d’un cycle.  

Constantine : photo transmise par Mr Jacques Nakache

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LE FOUR A PAIN

 Par Claude S. Extrait de son blog « les souvenirs de Claude » in « Constantine d’hier et d’aujourd’hui »

  http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LesConstantinois/souvenirs_claude.htm

LE FOUR BANAL Constantine. Années 1940. ..

 

 

 

Pendant la guerre, on ne délivrait de pain dans les boulangeries que contre des tickets de rationnement. Aussi, nous mangions, tous les jours, du “pain de maison” longuement pétri dans la grande “kesra” en bois d’olivier, confectionné avec de la semoule fine et non de la farine et un levain que grand'mère préparait elle-même en laissant fermenter un morceau de pâte très molle prélevé d’un pétrissage précédent.

Le pain du Vendredi soir et Samedi, du shabbat, était badigeonné au jaune d'œuf pour lui donner un air de fête.

Les pains, les gâteaux, les gratins étaient cuits au four banal tenu par un Arabe au coin de la rue Thiers très pentue, en haut d'une série d'escaliers, en sous-sol, face à la grande synagogue de Sidi Fredj, le grand rabbin du département de Constantine.

Au-dessus du four, un bordel public fréquenté par des fantassins du troisième zouave qui faisaient le pied de grue, en face, attendant leur tour, sur le signal, à travers une petite lucarne, d’une portière maquerelle.

Rencontre improbable, sur le même trottoir, des fidèles de la « Maison de Dieu »et de ceux de la « maison de tolérance ». Mais « les desseins de la Providence sont impénétrables! »

Au four donc, on apportait de longs plateaux de tôle noire chargés de pains ou de gâteaux, le plus souvent sur la tête, des gratins aussi et je me rebiffais contre cette corvée.

Les veilles de fêtes et de Shabbat, des théories d'enfants souvent très modestes, attendaient leur tour, leur plateau sur la tête, résignés.

Parfois, des femmes, savates aux pieds, arrivaient au four en continuant à battre à la fourchette ou au fouet leur biscuit de Savoie pour empêcher la pâte de retomber.

Au four banal, en contrebas de la rue, l'homme, un Arabe plutôt jeune, glabre, à l'allure nonchalante, à l'air un peu hautain ou détaché, forme que prend parfois la patience, pieds nus sur de grandes nattes de crin qu'il nous était interdit de fouler, alimentait le feu avec des fagots de lentisque odorant. On entendait ronfler le brasier dans le four quand il ouvrait la lucarne. Il maniait en expert une pelle en bois d'olivier plate avec un très long manche. Il enfournait ou déplaçait sans cesse, sur la sole du four, plus ou moins près du foyer, les pains et plateaux de petits gâteaux pour une cuisson parfaite. Il les déposait ensuite, toujours avec sa pelle, en les faisant glisser par petites secousses horizontales, brûlants, dorés à point, directement sur les nattes pour les laisser refroidir. Le fournier ne se trompait jamais sur les propriétaires de tout ce qu'on lui confiait à cuire.

 

 

 

 

Il y avit des pains de toutes les formes mais pas de pains tressés, cette coutume de la halah tressée pour le shabbat ne semble pas être parvenue jusqu’à nous à Constantine, à cette époque-là. Assurément, nous ignorions que Dieu avait paré de tresses la chevelure d’Eve avant de la présenter à Adam.

Certaines familles marquaient les pains de leur sceau : des incisions sur la pâte, des trous de fourchette, des empreintes de doigts, des dessins linéaires, des fleurs, des étoiles de pâte sculptée, des graines de sésame, d’anis ou de pavot. Grand’mère faisait pour nous de petits pains en forme de poissons et souvent de petits pains ronds au chocolat ou aux noix.

Au retour du four, on transportait le pain cuit dans des serviettes attachées aux quatre coins. Les plateaux, empruntés au four, avaient été restitués.

L'odeur mêlée de bois brûlé, de pain chaud à l'anis et de pâtisseries parfumées nous raccompagnait jusqu’à la maison.

 Nous remontions, chargés, les quatre étages bruyamment, en léchant parfois le chocolat fondu qui avait coulé à la surface de nos petits pains. Grand’mère, qui guettait, nous attendait en haut des escaliers, impatiente.

 

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LE VERRE D’EAU…

extrait du livre de Alain SEKSIG  "Les juifs d'Algérie" - Images et textes - Editions du Scribe - page 202

 Il est des questions qu’on ne se pose pas. Qu’il ne vient à l’idée de personne de se poser. C’est comme ça. La réponse a depuis longtemps recouvert la question. Non pas violemment, mais naturellement, portée par des siècles d’habitude et de tranquille assurance ; parce qu’il n’est pas d’autre réponse envisageable à une question sans objet : « C’est comme ça. Ca a toujours été comme ça ! »

Ainsi du verre d’eau à l’instant du départ.

« Toujours, quand tu t’en vas pour quelque temps, quelque part, quelqu’un sur tes traces doit lancer un verre d’eau ».

Une fois pour toutes, un jour, les choses ainsi se disent. Et chaque fois, en de semblables occasions, le rite s’accomplit de la même façon. Simplement. Aux points de départ, quelqu’un, la mère, le plus souvent, s’approche et jette le verre d’eau. C’est comme ça. Depuis toujours. Et c’est bien ainsi.

Quelquefois pourtant l’envie s’en vient de chercher un sens à ce geste : « Sa mère lui a fait poser son pied nu sur le seuil de la maison et l’a baigné d’un peu d’eau,  « Afin que ton pied se souvienne de ce seuil et t’y ramène », a-t-elle prononcé.

Semblablement, on pense que le verre d’eau est l’affaire de mémoire et de bénédiction, peut-être d’autres choses encore…

Et celui-ci qui disait : « A chacun de mes départs, tu jetteras derrière moi, tandis que je descends les escaliers, le contenu d’un broc d’eau, rite destiné à faire revenir l’être aimé, répandu chez les peuples latins et berbères, dont personne n’a pu jamais me révéler l’origine ».

Non plus qu’ailleurs, ici, nulle révélation. Tout au plus quelques propositions pour mieux comprendre et goûter « le verre d’eau »…

- Le verre d’eau à ton départ ? C’est pour assurer ton retour, nous assurer de cela, nous rassurer. 

- Et chaque fois que quelqu’un part, loin et pour longtemps, on doit lui lancer le verre d’eau.

- Oui, ainsi sommes-nous sûrs qu’il reviendra, et lui aussi … L’eau essaimée aux pas de l’être aimé trace le lien, insécable.

- Mais pourquoi l’eau précisément et non des fleurs ou une poignée de semoule, par exemple ?

- b  L’eau figure ici la mer. Dans son mouvement même. Cyclique : elle revient toujours après s’être retirée. Toujours après son évaporation elle réapparaît. Ainsi, par l’eau sur tes traces jetées reviendras-tu un jour au lieu de ton départ.

Ce verre d’eau lancé sur tes pas, c’est la mer qui t’y ramènera, veillant sur eux, bienveillante, protectrice, comme celle qui s’ouvrit un jour à nos ancêtres, et, se refermant sur leurs talons, assura leur marche en avant. Ce verre l’eau l’orée de ta route, d’avance on clarifie le cours, étend et pacifie son horizon, au devant comme à l’arrière de toi. Ce verre d’eau, c’est le retour autant que l’avancée possible, c’est ta liberté de mouvement assurée, la fluidité, l’aisance, la limpidité garanties de ton pas. Sa vitalité.

L’eau arrosant la terre ne donne-t-elle pas vie et le socle de l’homme n’est-il pas « plante » aussi ?

Cette eau est un tuteur. Elle guide le pas, assure sa croissance. Avant cela même, elle en est sa délivrance, elle l’autorise. Cette eau est signe, signature, sceau sublime apposé à même la terre en un geste vif et ouvert, ainsi qu’on scelle un pacte. Elle est le témoin de l’instant où tu vas bouger ; elle va le fixer, comme on le dit d’une photographie.

L’acte lui-même – le jet de l’eau – est aussi rapide que le déclic de l’appareil photos et procède du même principe : une seconde au temps volé pour en mieux prendre l’exacte mesure et en assurer la pérennité. Cet acte, il faut l’imaginer dans son accomplissement : nulle cérémonie, un geste, d’une extrême simplicité et d’une vraie grandeur, pauvre et généreux à la fois (on prend son élan pour lancer le verre d’eau), banal autant que magique. Les vertus mêmes de l’eau… Vraiment on peut aimer les fleurs et la semoule, mais le choix de l’eau coulait de source.

-  Certes le geste est non sans pertinence des significations que tu en donnes. Mais qui peut témoigner de son impact ?

-  On pourrait bien conter les déboires de celui à qui l’on oublia de lancer le verre d’eau ou de celui qui, tôt parti, à l’insu des siens (et un vendredi encore !) se vit à jamais soustrait à leur vue… Mais écoute plutôt : un jour que je devais partir fort loin, ma mère, sur le palier, à l’instant où, croyait-elle, je m’apprêtais à entrer dans l’ascenseur, lança le verre d’eau tandis que je me retournais une dernière fois pour la saluer. Je me trouvais trempé. Eh bien crois-moi, jamais retour ne fut plus rapide : aussi sec à la maison.

-  Oui, bien sûr… Mais dis-moi, quand le dernier de la famille s’en va, qui vient sur ses pas répandre le verre d’eau ?

-  Il n’est pas interdit d’initier ses voisins.

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LE MATELASSIER

Par Claude S. Extrait de son blog « les souvenirs de Claude » in « Constantine d’hier et d’aujourd’hui »

  http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LesConstantinois/souvenirs_claude.htm

 

                   

Au printemps, sur la terrasse, deux ou trois jours au moins étaient réservés à la réfection des matelas de laine avachis et tachés. Les jeunes enfants adorent grimper sur les lits, faire sauts et cabrioles, culbutes et roulés boulés jusqu’à la lourde chute au sol. Paul avait mis au point un périlleux numéro de Tarzan. Il sautait, en poussant le cri fameux de Johnny Weissmuller, avec une liane imaginaire, du haut d’une grosse armoire sur laquelle il se hissait depuis la tablette en marbre de la cheminée, directement sur un des lits de la chambre des enfants. Sous le choc, le sommier métallique à ressorts s’écrasait en grinçant jusqu’au sol. Josiane et moi, peu fidèles Chitas nous contentions de sauter depuis la cheminée. Chez mes grands parents, matelas et sommiers étaient très malmenés. 


Le matelassier, un vieil artisan Juif, arrivait, parfois aidé de sa femme, avec sa cardeuse à main démontée et une mallette en bois, très tôt le matin.
Toute la matinée, dans la poussière et une légère persistante odeur de suint libérée par le cardage, assis sur l’arrière de la cardeuse, il introduisait d’une main la laine, de l’autre il actionnait le balancier en bois muni de gros clous, dans un mouvement régulier de va-et-vient pour aérer la laine tassée et jaunie des matelas éventrés. Il étalait ensuite les flocons de laine souple, mousseuse, soyeuse et débarrassée des impuretés sur un grand drap blanc déployé sur les tomettes rouges du sol. 
L’après-midi, commençait la confection du nouveau matelas avec une toile neuve rayée, plus tard damassée bleue ou jaune et la laine cardée bien répartie sur la toile pour un matelas équilibré et moelleux. Après le remplissage, commençait le long et minutieux travail de couture. Avec deux longues aiguilles recourbées et du gros fil de coton, assis en tailleur à même le sol devenu très chaud, il cousait les bourrelets des bordures pour maintenir la laine sur les côtés. Puis, pour la maintenir à l’intérieur, le capitonnage : sur les œillets, de petits carrés d’étoffe repliée. Les capitons de tissus-une cinquantaine environ pour un grand matelas- étaient reliés par deux avec le fil à travers le matelas. 
La vieille toile, lavée et repassée était souvent réutilisée ou servait de protection sur le matelas rénové, ou à isoler le matelas du sommier métallique à ressorts parfois un peu piqué de rouille.
Sous la chaleur, c’était de longues et dures journées pour cet artisan qui transpirait sous la casquette que, pour se conformer à la loi juive, il n’ôtait 

 

 

jamais. Grand’mère n’aimait pas nous voir tourner autour de lui dans la poussière de laine. Elle nous autorisait seulement à lui apporter son frugal repas. Il se nourrissait essentiellement, sobre comme les fellahs des terres arides, de pain à l’huile, d’oignons, d’olives et de quelques figues ou dattes, avec, à sa portée, sa petite gargoulette d’eau fraîche. Il consentait parfois à boire un peu de café, au lait le plus souvent. Aux heures les plus chaudes, au plein soleil de la terrasse, les murs ne projetant plus aucune ombre, un grand mouchoir de Cholet aux larges rayures mauves, retenu sous sa casquette, protégeait sa nuque et une partie de son visage. 
En fin de journée, la fatigue s’inscrivait en larges cernes gris sur ses joues. Il descendait les matelas considérablement rehaussés, prêts pour le trampoline. Puis il démontait sa cardeuse et la rangeait dans un coin jusqu’au lendemain. 
Longtemps, j’ai utilisé une très longue pièce d’un robuste tissu bleu damassé d’un ancien matelas. J’y ai renoncé quand elle a été hors d’usage pour un vrai molleton de protection acheté sous plastique qui recouvre désormais un matelas industriel en latex sur sommier à lattes dit « tapissier ».
Aujourd’hui, ces cardeuses en bois mues par la main de l’homme, avec leur curieuse planche balancier hérissée de gros clous sous laquelle passait la laine, ne se trouvent plus que chez les antiquaires, dans les écomusées ou comme l’alambic ou la sorbetière de ma grand’mère dans le musée de nos souvenirs d’enfant.

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 La distillation de l'eau de fleur d'oranger et de l'eau de rose

 

Par Claude S. Extrait de son blog « les souvenirs de Claude » in « Constantine d’hier et d’aujourd’hui »

  http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LesConstantinois/souvenirs_claude.htm

LA JOURNEE ROSE

 

 La distillation de l'eau de fleur d'oranger et de l'eau de rose était un rituel que nous célébrions, au printemps, comme une fête païenne, dans la joie, à la maison inondée de parfums.

Les Arabes, au marché, vendaient d'énormes sacs de délicates fleurs blanches ou rose pâle d'oranger bigaradier et de pétales de roses.

Jeune, grand'mère, vraie prêtresse de Flore, s'habillait de rose, pour l'occasion, avec un foulard rose sur la tête. Plus tard, elle se contentait de nouer un ruban rose sur l'alambic (kattar) en zinc que l'on remontait de la cave une fois par an. A même le sol, sous l'alambic, un kanoun au charbon.
Au fur et à mesure que grand'mère recueillait l'extrait, elle étiquetait les flacons pour en indiquer la concentration: première bouteille, deuxième bouteille etc...Et elle suivait un "seder", un ordre rituel immuable: elle commençait toujours par l'eau de fleur d'oranger.

Une montagne de pétales et fleurs odorants sur un drap blanc au milieu de la cuisine, un alambic enrubanné de rose, la vapeur qui se condensait en gouttelettes qui roulaient dans le serpentin et, le soir, des flacons remplis d'une eau parfumée, c'était, pour nous, enfants, un enchantement, une journée magique: "la journée rose".
L'eau de fleur d'oranger « al maa zhar », « l’eau de chance » servait à adoucir le café, à parfumer les pâtisseries et les grenades de Roch Hachana, et à certains rituels religieux.

Le “m'reuch” l'aspersoir en argent massif ciselé et repoussé était en permanence sur le buffet rempli d'eau de fleur d'oranger pour le café. On en aspergeait les convives et les fidèles pendant les festivités et à la sortie de la synagogue. L’équivalent en quelque sorte du goupillon et de l'eau bénite, chez les chrétiens.   
Pour les “Bar Mitsva” (littéralement “fils de la loi”) et pour “Simhat Torah” (la “joie de la Torah”) fête qui clôt la lecture annuelle du Pentateuque, marquée par des chants et des danses, les femmes, depuis le balcon où elles étaient tenues séparées des hommes à la synagogue, jetaient des dragées et aspergeaient les fidèles d'eau de fleur d'oranger.

Le “Chemache”, le bedeau, gardien de la synagogue, en versait aussi sur la main des fidèles, à la sortie.

Tous ces rites conféraient un caractère sacré à la fabrication de l'eau de fleur d'oranger.

Je possède un très beau “m'reuch” en argent massif, hérité de mes beaux-parents S…, mais je ne lui ai pas trouvé d’usage. Il est désaffecté. Aujourd'hui, en Israël, mon oncle Paul dit qu'on utilise de l'eau de Cologne à la synagogue. C'est banal et le rituel est vidé du symbolisme poétique de la fleur d'oranger.

Quant à l'eau de rose, « al maa ward », que Saladin fit transporter à Jérusalem reprise aux Croisés en 1187 par une caravane de 500 chameaux pour purifier la mosquée d’Omar et avec laquelle Mehmed II, en 1453, purifia l’Eglise byzantine de Constantinople avant de la convertir en mosquée, nous la réservions modestement à l'hygiène et à la toilette. On lui accordait des vertus adoucissantes pour les fesses rougies des bébés, les yeux congestionnés et toute sorte de petites misères de l'épiderme. Elle était le complément de l'huile d'amande douce et servait aussi de démaquillant pour les nez poudrés de la volatile poudre de riz rose qui se répandait en nuages même sur les cils et sourcils. Le poudrier avec sa petite glace et sa houppette de cygne était l'accessoire de maquillage indispensable et l'objet de toutes les convoitises pour les petites filles. On offrait un poudrier comme on offrait un bijou. Il y en avait de très précieux. Mais quand je suis arrivée à l'âge adulte, la poudre de riz et son “pompon” étaient passés de mode.

Et notre alambic et ses pétales parfumés remisés dans le Musée de nos souvenirs. 

    

 

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les marchands d’eau douce  Par Claude S.

Après l’exode des «  pieds noirs » d’Oran, qui ne sont pas restés longtemps parqués dans le « camp de réfugiés » de sainte Marthe à Marseille, ancien camp militaire de la 1ère armée française en 1944, où les autorités avaient entassé les plus malheureux Français d’Algérie en Juillet 1962, certains Oranais, dit-on, poussèrent la nostalgie jusqu’à ajouter du sel dans leur café pour garder le goût de «  là-bas ».
  A Oran, l’eau du robinet était saumâtre jusqu’en 1952.

En Septembre 1952, la construction du barrage de Beni Badel près de Tlemcen achevé, les Oranais purent, enfin, grâce à cette station de filtrage, recevoir l’eau douce courante du robinet. Le 27 juillet 1952* ce fut une grande fête à la Place d’Armes. La municipalité réunit, pour une anisette géante «  à l’eau douce » accompagnée de « kémia » (tramousses, « longanisse », soubressades, olives, « bliblis » (pois chiches grillés), «  pépites » graines sèches salées de courge, melon et pastèques etc…)  toute la population oranaise autour d’immenses tables.
Jusque-là, on s’accommodait de l’eau salée au robinet, on achetait l’eau douce ou on allait la chercher à la source.
« Jeune fille à la source »mais sans la grâce mystique de Rebecca au puits, sa cruche sur l’épaule, Huguette, ma petite cousine, allait, en bas de la rue de Wagram, à 500m environ, chargée d’un seau, d’un bidon ou d’un pot à lait en aluminium, puiser de l’eau à une fontaine alimentée par une source d’eau douce, rue du Mont Thabor, la bien nommée « Crève-Cœur », tant étaient rudes les escaliers au retour. Malheureuse enfant, elle fut chargée de cette corvée. Et aucun Jean Valjean pour soulever le seau à sa place !

Des marchands d’eau douce de la source Bredeah livraient, maison après maison, dans des charrettes tirées par un ou deux bourricots ou mulets, des bonbonnes de 5 ou 10 litres en verre épais recouvert de raphia ou d’osier.
D’autres transportaient à dos d’âne de grandes bonbonnes paillées ou de petits tonnelets. « Agua ! Agua ! » Criaient-ils en espagnol
Aussitôt accouraient femmes, enfants. L’eau était aussi vendue au détail, versée directement avec un gros entonnoir cabossé dans les récipients hétéroclites que tendaient les acheteurs.

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Des marchands arabes d’eau douce, sangle de cuir terminée par deux crochets sur les épaules, un cerceau autour de la taille, livraient l’eau puisée à la source dans deux seaux dont l’anse était suspendue aux crochets. 



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Marchand d’eau du Moyen-Age mais le principe du portage est le même. 

 Dans la journée, des marchands d’eau arabes, agitant une petite clochette, une outre en peau de chèvre avec un bec verseur ou un robinet en cuivre sur l’épaule, proposaient à boire en arabe : « l’mé khlo ! ». Pour quelques sous, ils servaient l’eau dans des timbales semi sphériques en cuivre jaune étincelant, plus rarement en fer blanc, qui pendaient à leur épaule et à leur ceinture. Pour l’étanchéité, du goudron tapissait l’intérieur de l’outre et donnait à l’eau une odeur et un goût singuliers, comme légèrement anisés.
.  Même à Oujda où l’eau du robinet était douce, on trouvait, dans la chaleur torride de l’été, ces marchands d’eau « gerrabes» plus pittoresques avec leurs grands chapeaux de paille multicolores, à côté des marchands « d’oublies »,  gaufres minces et légères, très friables, roulées en cylindres creux, transportées par le marchand ambulant sur le dos, dans de grands  cylindres en tôle de fer et cuivre. 
La seule vue des outres gonflées d’eau déclenchait chez nous, enfants, une soif irrépressible. Mais ma mère ne consentit jamais à nous laisser boire de cette eau-là.

 

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LE MOUTON DE PÂQUE : Constantine 1941

par Claude S.

Un agneau contre 3 mètres de tissu.    

Au Printemps 1941 ou 1942, sur cette terrasse, nous avons nourri, pendant deux mois, un agneau. Georges l’avait échangé contre 3mètres de tissu chez un paysan arabe. Il l’avait, à vélo, transporté sur ses épaules, à la façon  des bergers des santons des crèches de Provence. Puis, au milieu des cris d’excitation des enfants de l’immeuble, avec l’animal sidéré toujours sur ses épaules, il avait monté les 5 étages à pied jusqu’à la terrasse.
 C’était la guerre et ses privations : pas d’essence, pas d’auto, et avec un   «administrateur aryen » imposé au magasin de tissus de mon grand-père, si peu d’argent mais encore quelque tissu. Et Pessah à célébrer !

L’agneau courait vers nous, dès que nous ouvrions  la porte de la terrasse, les bras chargés de fanes de carottes ou de poireaux et d’herbes souvent cueillies sur les pentes du Rhumel par Hocine ou Joseph.
Nous avions pris l’habitude de jouer avec cet agneau, de caresser sa toison touffue et bouclée, à la puissante odeur de suint, et oublié qu’il était destiné au sacrifice de Pâque.
Le jour où on l’a emmené, nous, enfants, étions tous désespérés. La veille du sacrifice, Joseph l’avait descendu de la terrasse et enfermé dans les WC de l’appartement.
Dans la cuisine, un boucher rituel, un « Shohet » : Rabbi Sion Ch… est venu le sacrifier. –J’ai trouvé, par hasard, la reproduction d’une photo où ce rabbi est décoré par un officiel.

Un kanoun avec de la cendre pour recueillir le sang et une grande cuvette étaient prêts. Nous, les enfants, avons fui au bout du couloir, refusé de toucher aux côtelettes et même de regarder l’os d’agneau du plateau du Seder pendant la lecture de la haggadah. Nous n’étions pas des Cannibales !
Selon l’usage, grand’mère dut tremper sa main dans le sang et l’appliquer sur la porte d’entrée pour y laisser l’empreinte. Cette pratique qui peut paraître barbare et primitive est un salmigondis d’héritage de rituels sacrificiels de la religion juive primitive avec le souvenir de la sortie d’Egypte et des linteaux des maisons marqués du sang des agneaux sacrifiés pour que Dieu épargne ces maisons, et que « l’ange de la mort » « passe au- dessus »( « Pass over »en anglais et aussi la racine hébraïque de « pessah ») sans s’arrêter  –offrandes rituelles liées au sang versé – et de traditions culturelles plutôt islamiques : le 5 protecteur, la « main de Fatma », le « hamsa » arabo-judéo- berbère. En tout cas, pour nous, «cela portait bonheur » comme « portait bonheur » l’os du mouton du plateau du Seder que nous gardions toute l’année au-dessus d’une armoire. « C’est comme ça ! » tenait lieu d’explication.

   

 

La fête du dernier soir de Pessah, avec les crêpes épaisses au beurre et au miel  confectionnées par grand’mère sur de grandes plaques bombées de tôle noire, accompagnées d’un délicieux « l’ben »,  le petit lait, les fleurs dites « gouttes de sang »qui couvraient la table avec de jeunes épis de blé, les fèves fraîches d’un vert très clair plantées bien verticales dans de la semoule avec des louis d’or, symboles dans tout le Maghreb  de prospérité et de fécondité par l’abondance de leurs fleurs et le nombre de graines que contiennent leurs grosses gousses, cette fête donc nous réconciliait avec  Pâque, son mouton, ses galettes indigestes et nous  faisait presque oublier « notre » mouton . 


A Constantine, le « pain azyme » était une galette très épaisse, très dure, et particulièrement indigeste. Une fois l’an, seulement, la Fabrique Zarka  la produisait. Certaines familles, comme celle de la tante Eugénie dite « Zeiro », la sœur de ma grand’mère, la fabriquaient elles-mêmes.
On était obligé de piler cette galette très fine pour le café au lait qui prenait la consistance du ciment, plus grossièrement pour les potages et autres usages. Le pilon de cuivre était l’accessoire indispensable pour la galette de Pessah, et le pilage une corvée partagée. A table, on laissait la galette tremper dans l’eau, comme la « soupe » des paysans de jadis, qui,  dans des maies en bois,  conservaient leur pain toute l’année.
Pour le trempage, une grande coupe en faïence à grosses fleurs rouges qui faisait partie 

de la vaisselle réservée pour Pâque, pleine d’eau, était prévue à table. Une des fantaisies de Paul fut d’y prendre son café au lait du matin. Le jour où, après avoir bien tassé sa galette pilée, il remplit par erreur la coupe de petit lait au lieu de lait, avec le café, la mixture était si écœurante qu’il renonça définitivement même à la coupe à fleurs rouges.


Une année, j’étais très petite, cette galette béton m’a rendue si malade que mon grand-père, esprit ouvert et tolérant, a dit : « apportez lui du pain ! ».
A Oran, la galette était plus acceptable que celle de Constantine. 
Après le débarquement des Américains, seulement, en Novembre 1942, nous avons découvert que la galette de Pessah pouvait être fine et comestible.
Aujourd’hui, le pain azyme « Rosinski frères »est presque une friandise et beaucoup en mangent toute l’année. 

 

 

 

Commentaires (12)2)

 

1. andre Lun 30 Déc 2013

28 ans de bonheur dans cette ville Magnifique!!j'ai eu beau faire presque le tour du monde,aucune ville de renommée mondiale n'a pu faire vibrer mon coeur,comme "ORAN"
quitter en 1962,retour en visite en 1981(j'ai compris que c'était une erreur;et qu'il valait mieux rester sur les images de l'ORAN que j'avais perdu en 1962!!
Bon vent a tous les P.N,qui ont souffert de cette déchirure!

 

2 gozlan lucien Ven 20 Sept 2013

Bravo pour ce recit de la souccah, nous a Alger on connaissait pas ca. Faut dire meme qu on n etait pas du tout religieux. Nous, c etait plutot le savoir francais,...nos ancetres les gaulois..??? on etait convaincu qu ils etaient nos ancetres et cela meme, il fallait le savoir "par coeur"...pour pouvoir nous integrer a la culture francaise. 
On disait dans nos familles pour communautariser les" juifs" qui etaient plus "religieux qu a Alger ou Oran, peut etre..???.."les juifs de l interieur.." C etait vraiment du mepris et c etait pas bien, la verite etait de leur cote et pas du notre. Nous etions devenus de "bons francais..???" Ils etaient restes de "bons juifs"..
Ici, en Israel, c est maintnant le contraire, les fetes juives,... on ne fait que cela. Alors on se fait tout petit a cote de ce monde religieux et pour le paraitre, on cherche a redevenir de "bons juifs" en oubliant petit a petit d avoir ete de "bons francais"..

 
 

3 sami Sam 07 Sept 2013

je suis contant pour les juifs d'oran mai on ai abondonne

 
 

4 Claude S.Dim 05 Mai 2013

Merci Paul pour votre texte sur le hammam qui complète heureusement ma vision déformée d'enfant. Je vous remercie aussi pour votre appréciation tout à fait élogieuse de mes souvenirs,( méritée?). J'ai depuis largement complété mes souvenirs qui ne concernent plus seulement Constantine. Bien amicalement . Claude S.

 
 

5 André Mer 01 Mai 2013

Merci pour ce site.
Mon seul regret qu'internet n'ait pas existé plus tôt pour se rapprocher de nos racines.
Oh ! combien mes parents et en particulier ma mère aurait été heureuse de vivre cette nostalgie sur le net.
Quant au verre d'eau mon épouse ne raterez pas le départ de nos enfants sans ce verre d'eau.
Je serai heureux de voir les tombes de mes proches au cimetière d'Oran.
Hélas mes yeux se brouillent.
Bravo à tous ceux qui permettent de faire revivre le judaïsme d'Afrique du Nord.

 
 

6 Paule Sam 23 Fév 2013

Les souvenirs de Claude : magnifique blog, je le recommande à tous. 
Il s'adresse aux constantinois, maisà tous les autres aussi . Nos modes de vie étaient très semblables et nos aïeux venaient aussi souvent de Constantine...

 
 

7 Paule Atlan Sam 23 Fév 2013

Le bain maure (hammam), un bonheur absolu.
Intéressant de confronter ses souvenirs, je n'ai pas du tout de souvenir de saleté et de misère...
Dans les années 50, à Alger, j'allais régulièrement au "bain-maure" derrière la Grande Synagogue, le jeudi après-midi (jour des femmes) y retrouver des copines juives du lycée Delacroix. Je traversais d'abord la place de Chartres et les ruelles qui y conduisaient.
On faisait lentement le circuit de salles de plus en plus chaudes, couvertes de tapis, pour arriver au vrai bain, entourées d'une foutah de couleur et munies de notre "tassa"familiale en cuivre.
Très rapidement, assises sur des marches ou par terre, on voyait de longues traînées noirâtres dégouliner le long du corps et ça nous plaisait de nous nettoyer avec de l'alfa trempée dans de l'eau savonneuse qu'on préparait en faisant dans sa "tassa" de savants mélanges d'eau bouillante et d'eau froide.
On se faisait laver les cheveux avec du "savon arabe", et frotter vigoureusement le corps, allongée sur une plaque bouillante. Tout cela dans une vapeur épaisse telle un nuage tombé du ciel où toutes circulaient comme des ombres. L'eau dégoulinait sur les hauts murs derrière lesquels se préparait mystérieusement pour nous toute cette vapeur. 
Quelquefois, il y avait un homme, le seul admis et la seule personne à porter un pagne : "L'eunuque" du bain maure. Evidemment, c'était un mystère de plus. Encore très jeunes, on ne comprenait pas bien ce que ça voulait vraiment dire, mais on s'en doutait, on riait d'un air gêné. 
On emportait des oranges qu'on faisait tremper dans de petits éviers d'eau froide, et on les dégustait lentement quand il faisait trop chaud. Un délice absolu.
C'était très gai, on rigolait entre copines, les femmes y avaient leurs habitudes, elles se racontaient tout entre amies, et j'entendais parfois des tractations pour marier leurs enfants, c'était très drôle...
On en sortait épuisées, à petits pas, pour s'allonger sur des petits lits, style "lits de camp"et récupérer du bain de vapeur. On se faisait servir une boisson glacée, du Crush à l'orange ou à la mandarine.
On s'habillait lentement, abruties de chaleur et on rentrait à la maison, bien couvertes, les cheveux enveloppés dans une sorte de long bonnet blanc brodé où on enroulait nos tresses de chaque côté, pour "ne pas prendre froid". Maman me félicitait bruyamment de ma propreté et me servait alors un grand bol de lait bien chaud. 
Quant à mon père et mon frère, ils y allaient le vendredi après-midi et quand ils rentraient, mon père nous demandait de l'embrasser pour sentir comme ses joues étaient bien rasées et propres. Les femmes de la maison (ma mère, ma cousine, ma soeur et moi) s'exécutaient avec plaisir. Le soir tombait, le couscous du vendredi soir était déjà prêt à la cuisine, il embaumait la maison.

 
8 Colette Lun 04 Fév 2013

Pas question que l'un de nous parte en voyage sans le "verre d'eau", il a même été exporté jusqu'en Asie où habite ma fille, et mes petits enfants y tiennent.
Je leur transfère cet article.
Merci
Colette

 
 

9 Jeanne de Paz Dim 27 Jan 2013

Des souvenirs, des odeurs, des images floues et soudain si précises s'imposent à moi en parcourant ces pages... Je saute d'une rubrique à l'autre, découvrant dans chacune tant de choses sur ma propre culture que j'y reviens souvent, étonnée et admirative devant la richesse toujours accrue du site.
Un grand et chaleureux merci aux webmasters.

 
 

10 Annie Lun 21 Jan 2013

Ah! le précieux verre d'eau!!!moi aussi, ma mère n'a cessé de "faire le verre d"'eau"en France à ses enfants..sa famille.... et moi, ensuite, j'ai fait la même chose. Je ne cesserai pas de lancer le verre d'eau derrière la famille et les proches quand ils partent ne serait-ce que quelques jours. Et j'espère moi aussi que cette tradition si rassurante se perpétura après moi, même si elle fait sourire mon fils..

 
 

11 morial (site web) Mar 06 Nov 2012

Ah le fameux verre d'eau ! Je l'aimais car il semblait me protéger du mal. Aujourd'hui, je le fais à mes enfants...Si l'un d'entre eux part à 5 ou 6 heures du matin, je suis la sentinelle qui veille pour ne pas oublier...et me voilà tranquille !!!
J'espère qu'ils le feront à leur tour...

 
 

12 Paule Atlan Jeu 01 Nov 2012

Quel plaisir de lire ce témoignage qui nous ramène si loin en arrière ! Le fameux verre d'eau de nos mères. La mienne continuait à nous le jeter, même à paris, Boulevard saint-germain, dans un immeuble très bourgeois, où j'essayais vainement de l'en empêcher. Elle ne m'écoutait pas, bien sur.Maintenant, ça me fait rire d'y penser (et aussi pleurer qu'elle ne soit plus là pour le faire)

 
 

photo © mahJ / Christophe Fouin

Cet objet culturel est exposé au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ), parmi d'autres en provenance de divers pays.

C’est une  "Lampe de la Reconsécration du Temple" ou de Hanoucah la "Fête des lumières".

Utilisée en Algérie et datant de la fin du 19e siècle, cette Hanoukiyah qui porte le N° d’inventaire 2010.03.025, est un don de Mme Azoulai-Valensin.

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